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«La logique vite lu, vite vu vide l'information de sa substance»

La crise de la presse hante «Visa pour l'image», dont la 21e édition débute aujourd'hui à Perpignan. Constat amer de son directeur Jean-François Leroy.

29 août 2009, 09:05

Il y a quelques ann?es, le festival ?Visa pour l'image? croulait sous les reportages, aujourd'hui ce n'est plus le cas, affirme Jean-Fran?ois Leroy, son directeur. Alors, Perpignan sera-t-il le dernier refuge des dinosaures? Au contraire, cette 21e ?dition qui d?bute aujourd'hui dans la ville fran?aise montrera que la production de qualit? existe toujours, m?me si elle est de plus en plus rare.

Jean-Fran?ois Leroy, le photojournalisme est en train de mourir. Votre constat apr?s la faillite de l'agence Gamma et la lente agonie de la presse?

C'est triste ce qui arrive ? Gamma. Mais si la presse remplissait sa mission, au lieu de ressasser la mort de Mich?l Jackson ou la pose de Carla, on n'en serait pas l?. Si les journaux avaient pay? correctement les reportages de Gamma, on aurait pu ?viter tout ?a. Il faut absolument arr?ter de d?penser sans compter pour l'information futile!

La faute revient aux m?dias?

La presse a toujours de l'argent. La question est de savoir o? l'investir. A ?Visa pour l'image?, le photojournalisme est toujours l?. On y voit des sujets que le public adore mais que les magazines ne publient plus. Le probl?me est que la presse est dirig?e par des hommes d'affaires et des banquiers. Comment, avec cette logique, un m?dia peut-il pr?parer un budget pr?visionnel pour 2010? On peut pr?voir la Coupe du monde de foot ou le festival de Cannes, mais pas l'actualit?. C'est une d?rive!

Dans ce contexte morose, la pr?paration de l'?dition 2009 de ?Visa pour l'image? a ?t? rude...

On a eu de la peine ? trouver des sujets pour nos six soir?es de projection et nos trente expositions. Cela n'est jamais arriv? en 21 ans d'existence. Malgr? le torrent actuel d'informations, les documents visuels deviennent rares. La logique ?vite lu, vite vu? vide l'information de sa substance.

Les derniers ?v?nements d'Iran n'ont-ils pas montr? que Twitter peut remplacer les reporters?

Je ne crois pas ? ces images-l?. Il faut les prendre avec beaucoup de prudence. Certes, des documents sont valables mais il y a aussi beaucoup de manipulations. Un reporter cherche aussi l'information, la v?rifie et reste neutre. Un travail de professionnel. Twitter ne peut pas assumer ces devoirs. Par contre, les reporters occidentaux remarquent la mont?e en puissance des agences locales. Pendant la guerre ? Gaza, les photographes palestiniens ont ?t? excellents. Ils ?taient seuls sur le terrain, l'arm?e isra?lienne ayant ferm? les fronti?res aux reporters ?trangers. Cette ann?e, ?Visa pour l'image? leur rendra un grand hommage, comme on l'avait fait il y a trois ans avec les photographes irakiens.

Vous montrez ?galement le travail sur l'Afghanistan de Zalma? Ahad, un photographe afghano-suisse...

Je connais Zalma? depuis des ann?es. Je trouvais que ses photos ?taient jolies. Il lui manquait la dimension documentaire. Cette ann?e, Visa pr?sente pour la premi?re fois un grand accrochage sur l'Afghanistan de cet artiste afghano-suisse. Un reportage exceptionnel qui a demand? des mois de travail.

Est-il aujourd'hui encore possible comme jadis d'envoyer quelqu'un pendant six mois sur le terrain?

Seul ?National Geographic? continue d'envoyer ? long terme des photographes sur le terrain. Mich?l Nick Nichols, que nous avons expos? l'an dernier, a eu neuf mois de travail pour ses ?l?phants d'Afrique. Il y a aussi l'Italien Massimo Berruti. Il a d? partir ? ses frais au Pakistan et est revenu avec un reportage ?blouissant. Mais aucun magazine n'a voulu de ses images. C'est le r?gne d'un nouveau monde, du moindre co?t syst?matique, de l'uniformisation de l'information. La photo comme telle et le reportage n'ont plus de valeur, quel que soit le travail fourni ou sa difficult?. En m?me temps, certaines agences bradent tout en signant des forfaits, que la photo paraisse en vignette, en double page ou en couverture.

Les photographes peuvent-ils encore compter sur la presse ou la publication de livres?

Publier un livre, c'est bien. Mais avec 2000 exemplaires vendus, cela ne vous met pas ? l'abri du besoin! Les expos ne rapportent rien non plus. Il va donc falloir imaginer de nouveaux moyens de diffusion.

Internet peut-il ?tre la solution?

Une ?vidence: le web ne rapporte rien aux auteurs! Pour le moment, le Net n'est pas devenu un mod?le ?conomique viable. Il y a l'exemple du webreportage de Samuel Bollendorff avec son travail sur les mineurs en Chine: la postproduction a co?t? 30 000 euros, le site du Monde.fr lui a pay? 2000 euros. Qui a financ? le reste? C'est le Centre fran?ais de la cin?matographie. C'est quand m?me extraordinaire que ce soit le cin?ma qui finance le travail d'un photographe! C'est l? que je trouve qu'un festival comme le n?tre a un vrai r?le ? jouer.

Que faire donc?

On nous dit que les magazines et les journaux n'ont plus d'argent et que ?a se d?place vers l'internet. Mais pourquoi le web ne paie-t-il pas d?cemment les photos qu'il diffuse? Je refuse d'entrer dans ce syst?me. La question est: qui peut encore produire? Je veux dire produire un vrai sujet, dans la longueur, en prenant le temps de rester, d'observer, de travailler, de comprendre. /SAH-La Libert?

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