Cette pièce a été archivée, ainsi que d'autres documents similaires, par un collaborateur de l'ancien commandement des troupes d'aviation et de défense contre avions (Cadca) - aujourd'hui simplement dénommé Forces aériennes. Ce fonctionnaire, aujourd'hui décédé, a agi sans mandat officiel et dans le seul but, semble-t-il, de documenter sa passion pour les ovnis, explique Dominic Pedrazzini, qui dirige les services généraux de la Bibliothèque militaire fédérale (BMF).
C'est là, dans les nouveaux locaux de la place Guisan, à Berne, qu'est précieusement conservé le dossier de l'ufologue amateur du Cadca. Il fait état d'une quinzaine d'observations de phénomènes étranges par des privés et des militaires, entre 1971 et 1988.
«La Confédération n'a jamais manifesté d'intérêt officiel pour les ovnis», remarque Dominic Pedrazzini. Officieusement, c'est autre chose: dans un ouvrage basé en partie sur le fameux dossier, le journaliste Luc Bürgin a démontré que la question a en réalité intéressé l'armée suisse dès le début des années 1950 (1).
En mars 1995, le Département militaire fédéral (DMF) s'est fendu d'un communiqué de presse pour démentir certaines thèses selon lesquelles il serait en possession d'informations relatives à des ovnis, mais refuserait de les publier: «Le DMF n'a aucune raison de croire à l'existence d'ovnis, pas plus que de soupçonner derrière un tel phénomène un danger pour la politique de sécurité. C'est pourquoi aucune ressource n'est investie pour une recherche dans ce domaine.»
Selon la version des Forces aériennes, qui ont répondu en 1996 à un journaliste enquêtant sur le sujet, le Cadca n'avait pas connaissance de l'existence d'un «dossier ovnis» avant 1993. Ce n'est que par hasard qu'il est tombé sur les documents rassemblés par son collaborateur-ufologue, qu'il a transmis à la BMF.
Mais revenons aux observations du premier lieutenant B., le soir du 23 février 1971 au-dessus de Winterthour. «Un contact avec le radar de Dübendorf ne m'a pas permis d'en savoir plus», écrit-il. «Après cinq secondes, une traînée s'est formée derrière le point lumineux.»
Elle se serait élargie jusqu'à recouvrir tout l'horizon au bout de trente secondes. Le point lumineux aurait ensuite brusquement ralenti, avant de commencer à tracer d'amples virages à très grande vitesse («dix fois celle d'un satellite artificiel») et de disparaître au loin.
A 19h15 ce même soir, au-dessus d'Interlaken, le colonel G. et le premier-lieutenant R. observent exactement le même phénomène, qu'ils consignent dans un rapport adressé à la hiérarchie, complété par un croquis de l'étrange apparition.
Quelques jours plus tard, le 2 mars 1971, un autre pilote militaire, survolant le lac de Bienne, observe lui aussi la curieuse boule lumineuse blanche. Obligé de changer de cap, c'est dans son rétroviseur qu'il la voit s'éloigner vers l'horizon en zigzaguant, suivie d'une traînée de condensation.
Ce phénomène de 1971, attesté par trois rapports militaires distincts, est incontestablement la plus troublante des observations recensées dans le «dossier ovnis» conservé à la BMF. Pour le reste, on oscille entre bizarreries, malentendus et francs délires. Sans être un corpus indispensable à l'historiographie de l'étude des phénomènes célestes, ce dossier atteste tout de même qu'il existait, à l'époque de la Guerre froide, un formulaire militaire officiel destiné au recensement des observations d'objets volants non identifiés. / MRZ-La Liberté