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«Je ne me définis pas comme une femme peintre... je peins!»

02 sept. 2011, 11:28

Avec Anne Tastemain et Francine Mury, l'art se décline au féminin à la galerie Numaga de Colombier. Enfin, façon de parler. Car le terme même de «femme peintre» hérisse la première citée, artiste parisienne installée en Bourgogne: «Je ne me définis pas ainsi, je peins, c'est tout!» La messe est dite. En rêvant de territoires aux frontières aléatoires, elle peint sur des toiles immenses des grilles à la Mondrian ou plutôt des marquages colorés apposés en défi «à l'opposition historique entre l'abstrait et le figuratif». Artiste solaire, extravertie, son patronyme de Tastemain lui suffit amplement. Anne c'est pour l'état civil.

Le langage des signes

Plus réservée, attentive à toutes choses, sa voisine de cimaises, Francine Mury, réinvente d'élégants alphabets en puisant dans le monde végétal un jeu de formes décalées. Cette graphiste de métier travaille selon les procédés du monotype (estampe unique) des gravures qui ressemblent à des peintures. Elle non plus ne se reconnaît pas dans «une création artistique spécifiquement féminine». Et pourtant, cette Tessinoise d'adoption fut l'une des initiatrices de la Triennale 1983 consacrée à «L'art et la femme» au Landeron, cité où elle vécut plus de 15 ans. Oui, mais c'était il y a presque 30 ans. «En Suisse, vous veniez à peine d'avoir le droit de vote», ne peut s'empêcher d'ironiser Anne Tastemain.

Imperturbable, Francine Mury sourit: «C'est vrai qu'à l'époque, les femmes artistes souffraient d'une méconnaissance de leur travail et pas seulement en Suisse, ce n'est plus tellement le cas aujourd'hui. Par contre, pour une femme, c'est toujours plus compliqué de se consacrer totalement à sa carrière.»

La couleur et les formes

Les deux artistes viennent de faire connaissance et l'on sent déjà leur complicité faite d'admiration, de curiosité réciproques. Pourtant, en apparence, aucun dénominateur commun ne relie leurs œuvres. En apparence seulement. Francine Mury: «Anne cherche dans la couleur ce que je cherche dans les formes». Sourire ravi de la talentueuse coloriste.

La guetteuse

Comme Nabokov qu'elle cite volontiers, Anne Tastemain a compris que «le seul bonheur ici bas est d'observer, d'épier, de guetter, de scruter son propre personnage et celui des autres» («Le guetteur /The Eye»). Le dessin d'observation est la base de son travail. Autodidacte proclamée, elle a fait ses classes au Louvre avec pour modèles les statuaires antiques.

Ses croquis retravaillés en atelier selon différents procédés, épurés de tout élément narratif, ne conservent que le drapé d'un péplum, le mouvement d'une toge esquissés à la suie noire.

La déchiffreuse

Francine Mury, elle, a pour champ d'observation son jardin de Meride dans le Mendrisiotto et la nature foisonnante alentour. Un brin d'herbe, une feuille piquetée de vermisseaux viennent enrichir un terreau de formes, elles aussi affranchies de leurs origines. Elle travaille sur de grands monotypes - technique de l'estampe inventée au 17e siècle par Castiglione, reprise par Degas, Gauguin et surtout Klee, «le poète déchiffreur des signes secrets».

Lumières de l'Orient

Du pays de sa jeunesse, le Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans, Anne Tastemain a conservé «l'éblouissement de la lumière et de la couleur chez Matisse». Quant à Francine Mury, ses recherches sur les formes l'ont conduite en Inde où elle a trouvé dans les figures Yantra une dimension cosmique à son travail.

Et si c'était là, dans l'obstination à ne retenir que l'essentiel au-delà des apparences, que réside l'art au féminin? Un sentiment d'accomplissement qui se joue des courants et exégèses, mais imprègne d'une grâce joyeuse les cimaises de Numaga jusqu'au 2 octobre.

Colombier, galerie Numaga:
ouvert jusqu'au 2 octobre, du mercredi au dimanche, de 14h30 à 18h ou sur demande au 032 842 42 59,
www.numaga.ch

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