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«J'ai appris à manger du pain noir, ce n'est plus à moi de m'adapter»

L'humoriste polyglotte italo-bernois Massimo Rocchi, maître de la mimique, de l'expression gestuelle et des jeux de mots, présente demain et vendredi à Neuchâtel «RocCHipédia». Un spectacle dans lequel il sonde l'histoire, les particularismes et les vilains secrets de sa nouvelle patrie, la Suisse.

12 janv. 2011, 11:02

Vous êtes devenu Suisse et dans «RocCHipédia» vous vous interrogez sur l'identité...

Dans mon travail, jusqu'ici je jouais au ping-pong entre mes différentes réalités: entre moi et les langues, entre moi et ma double nationalité. Maintenant que - par choix - je suis devenu Suisse, c'est entre moi et la Suisse que les choses se passent. Le fait d'avoir le passeport à croix blanche me donne des responsabilités. C'est ce qui m'a poussé à faire un spectacle sur la Suisse.

Quel regard portez-vous sur l'histoire suisse?

«RocCHipédia», c'est ma propre histoire de la Suisse. Guillaume Tell et Heidi ne m'intéressent pas. Selon moi, la création de la Suisse a été possible grâce à Laharpe, qui a réussi à convaincre Alexandre Ier que la Suisse devait rester neutre après la chute de l'empire de Napoléon. J'essaye aussi de raconter l'histoire de l'UDC et rappelle que, selon Darwin, le premier humain venait d'Afrique. Pour moi, les Suisses sont, à l'image de Farinet qui s'est opposé à l'introduction des billets pour remplacer les pièces de monnaie, des anarchistes organisés.

Ce spectacle est donc plus politique que les précédents...

Oui, je l'espère! Mais vous savez, je ne crois pas que le théâtre peut changer le monde. Lors de la première de mon spectacle à Zurich, les places des premiers rangs ont toutes été achetées par l'UDC. A un moment, j'explique que, comme l'Europe, les disques 33 tours ont un trou au milieu sans lequel ils ne tourneraient pas. Blocher était là et a beaucoup ri. Mais lorsque Jean-Claude Juncker (réd: président de l'Eurogroupe de l'Union européenne) critique l'existence d'une tache blanche au centre de l'Europe, Blocher le compare à Adolf Hitler. Au théâtre, on peut rire de tout. Pas dans la réalité.

Les Suisses apprécient-ils l'autodérision?

De plus en plus! Et ce n'est pas faute d'être cru! J'y vais fort, je ne fais pas des blagues. J'aime le miel mais pas dans les relations. Mais le réel juge du comique, c'est le public. Et même s'il rit, cela ne l'empêche pas de voter Blocher.

«RocCHipédia» est d'abord un spectacle en allemand. Avez-vous fait des adaptations pour la version française?

Le spectacle a d'abord été écrit en allemand avant d'être traduit en italien puis en français. J'ai fait mon baptême du feu en Suisse romande au théâtre Boulimie, six jours à guichets fermés. Pour moi il n'y a qu'une loi: ne pas apprendre les choses par cœur. J'ai une histoire, je sais d'où je pars et où j'arrive, mais pas le chemin que j'emprunte. Quand je ne sais pas quelque chose, je le demande au public. L'adaptation du spectacle se fait au fur et à mesure. Je lis les journaux, je parle avec les gens et petit à petit j'inclus tout cela dans mon spectacle. Il s'agit d'un «work in progress». Pour moi la chose la plus importante est de donner l'impression qu'il s'agit d'un moment unique.

Quelle est votre vision du théâtre?

Il y a trois façons de faire du théâtre: pour le public, en lui montrant ce qu'il attend, contre le public, en le remettant en question, ou avec le public. C'est cette troisième voie qui me convient. Si le public rit, c'est que je suis avec lui, que nous ressentons la même chose. Pour moi un spectacle est comme une rencontre d'amour à distance avec le public. Il faut qu'il se passe quelque chose!

Qu'est-ce que devenir Suisse a changé pour vous?

J'ai mis douze ans à devenir Suisse. J'ai appris à manger du pain noir et de la salade au début du repas, mais maintenant que je suis Suisse, ce n'est plus à moi de m'adapter! A l'étranger, les Suisses sont rarement fiers de révéler leurs origines. Pour ma part je suis heureux d'être Suisse, même si ce n'est pas bien vu... La Suisse vit actuellement une période très intéressante. Le grand challenge qui l'attend, c'est d'apprendre à prendre des décisions. /CGR

Neuchâtel, théâtre du Passage, demain et vendredi à 20 heures. Représentations complètes

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