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Il n'y a pas d'amour heureux

31 août 2011, 11:18

Mal distribué en Suisse, le cinéaste français Christophe Honoré s'est pourtant imposé comme l'un des rares (et dignes) héritiers de la Nouvelle Vague et de Jacques Demy en particulier. Après le controversé et très naturaliste «Homme au bain» (2010), le réalisateur de «Dans Paris» (2006) a renoué avec l'enchantement désenchanté des «Chansons d'amour» (2007), mais en appariant à la captation de l'instant magique, dont il est passé maître, la sensation nettement moins jouasse de la durée. Ce mariage de raison, si l'on peut dire, fait des «Bien-aimés» son film le plus réussi, sinon le plus mature (et par conséquent le plus déchirant). Venu promouvoir son dernier-né à Genève, Christophe Honoré s'explique sur ce revirement: «Après "L'homme au bain", j'avais envie de proposer un film plus romanesque en essayant d'intégrer de nouveau des chansons, comme j'avais pu le faire dans "Les chansons d'amour" où il y avait vraiment cette idée de proposer un instantané de personnages à Paris en hiver. Je ne prétendais pas donner autre chose qu'une petite image de l'air du temps à Paris, à l'époque où le film a été tourné. Pour "Les bien-aimés", j'ai décidé de montrer le temps qui passe, plutôt que de m'attacher au présent.»

Une rupture et des chars

Jeune blonde accorte, Madeleine (Ludivine Sagnier) est vendeuse de chaussures en 1963. Elle se prostitue pour arrondir ses fins de mois puis file à Prague avec un médecin tchèque qui lui fait un enfant. Ne supportant plus les infidélités de son mari, elle rentre à Paris avec sa fille Véra, alors que les chars russes débarquent sur la place Wenceslas. Le temps file, Madeleine vieillit et Véra grandit. Et la ronde du manque et des amours impossibles de se poursuivre, mais cette fois de façon partagée, entre mère et fille, malgré le gouffre des générations… Avec l'audace qui le caractérise, le cinéaste escamote Ludivine Sagnier pour faire apparaître Catherine Deneuve, alors que Chiara Mastroianni prend les traits de Véra adulte. Pour Honoré, c'était là «l'un des grands enjeux du film: comment incarner ce changement d'époque dans une fiction et comment montrer que les changements d'époque se jouent davantage dans nos vies intimes, sentimentales, que dans notre rapport à l'histoire ou aux événements de l'actualité»? Dans le film, cet enjeu prend une dimension stupéfiante le 11 septembre 2011 quand Véra, en prises avec l'être cher qui ne peut l'aimer, descend au bar de son hôtel en pleine nuit. Confrontée aux images des tours qui s'effondrent tournant en boucle, elle demande s'il est possible de «changer de chaîne». Cette scène, l'une des plus fortes du film, Honoré la fomente après «une conversation avec Chiara, au Festival de Toronto où nous présentions "Non ma fille, tu n'iras pas danser". Elle m'a raconté que, la dernière fois qu'elle était venue à Toronto, c'était le 11 septembre et qu'elle s'était retrouvée bloquée là-bas. Je me suis dit qu'il serait intéressant d'inscrire au cœur d'une fiction française le 11 septembre, mais sans chercher à donner à cet événement une dimension allégorique. J'ai essayé de le traiter de manière beaucoup plus intime et impressionniste, avec cette idée d'un personnage qui s'effondre de la même manière que les tours se sont effondrées!»

Exorcisme

A intervalles réguliers, les «bien-aimés» se mettent à chanter des chansons faussement légères, une manière d'exorciser leur mal-être. C'est dans ces instants de grâce que le cinéaste évoque le plus le regretté Jacques Demy. «Je ne suis pas dupe: quand je propose à Catherine Deneuve de venir jouer dans un de mes films et que je lui fais chanter "Je peux vivre sans toi, mais je ne peux vivre sans t'aimer", on ne peut pas ne pas penser aux "Parapluies de Cherbourg". Mais j'aime beaucoup cette idée qu'un film d'aujourd'hui porte en lui l'histoire du cinéma. Par contre, je me crois moins tragique, mes deux héroïnes sont finalement assez optimistes envers l'amour. Il s'agit de deux grandes amoureuses. C'est un vrai courage aujourd'hui de penser que la réussite de sa vie passe par celle de sa vie amoureuse!»

De Christophe Honoré
Avec Catherine Deneuve, Ludivine Sagnier, Louis Garrel...

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