Encore peu connu sous nos latitudes helvétiques, le cinéaste français Jean-Pierre Améris a signé plusieurs films intéressants dont «Les aveux innocents» (1996), où un sans-grade s'accuse d'un crime qu'il n'a pas commis pour goûter brièvement à la gloire médiatique, et «Je m'appelle Elisabeth» (2006), description sensible d'une relation entre un «malade mental» et une adolescente introvertie. Avec «Les émotifs anonymes», il reste dans le registre de la fêlure intime, tout en lorgnant vers la comédie romantique.
Chocolatière de génie, exploitée sans vergogne par son précédent patron, Angélique postule pour un nouvel emploi dans l'entreprise cacaotée de Jean-René, qui bat de l'aile. Sans le savoir, ces deux êtres partagent le même handicap psychologique: toute émotion les anéantit! Consciente de son état, Angélique fréquente l'association des Emotifs anonymes qui vient en aide aux personnes en proie à ce problème lancinant (ce genre d'association existe bel et bien et possède son propre site, www.emotifsanonymes.eu). De son côté, Jean-René a recours aux services guère efficaces d'un psychologue. Atteints d'un coup de foudre mutuel, ces deux célibataires maladifs vont contre toute attente tenter le rapprochement. Leur passion partagée pour le chocolat leur indiquera la voie
Jouant délibérément une «carte du tendre» kitsch à souhait, Améris en oublie un peu le souci du réel qui faisait tout le prix de ses films précédents. Partant, la mécanique un peu trop huilée de sa comédie empiète parfois sur le sentiment. Par chance, le cinéaste peut compter sur deux comédiens exceptionnels, qui n'ont pas leur pareil pour magnifier l'hyperémotivité qui les ronge de l'intérieur. Acteur génial, Benoît Poelvoorde pratique à merveille l'art de la dérobade qui sied à son personnage transpirant. De son côté, Isabelle Carré n'est pas en reste: elle est juste sublime de fragilité, irrésistible quand elle se prend à chanter et danser «La mélodie du bonheur»!
Neuchâtel, Studio; 1h20