Primé dans une ribambelle de festivals internationaux, le second long métrage de la cinéaste américaine Debra Granik, nommé quatre fois aux Oscars (meilleur film, meilleure actrice, Meilleur acteur et meilleur acteur secondaire), est revenu «bredouille» de la grande célébration. Ce n'est guère étonnant, car le réel restitué dans «Winter's Bone» n'a rien de consensuel. Née en 1963, Debra Granik avait déjà suscité l'intérêt avec «Down To The Bone», portrait sans concession mais non dépourvu d'empathie d'une mère de famille accro à la cocaïne. Adaptant un roman de Daniel Woodrell, paru en France sous le titre «Un hiver de glace», la réalisatrice persiste à camper des personnages féminins à la force paradoxale.
En plein hiver, dans une baraque perdue au fond des bois des Ozarks (sud du Missouri), une adolescente prénommée Ree (Jennifer Lawrence) doit veiller sur son petit frère et sa petite sur, suppléant à une mère aphasique, atteinte de troubles psychologiques graves. Déjà très problématique, sa situation devient encore plus aléatoire le jour où un shérif antipathique vient lui annoncer que son père a mis en gage la maison pour obtenir sa liberté sous caution, dans l'attente de son procès. Las, accusé de trafic de méthamphétamine (une drogue à base de solvants), ce paternel peu fréquentable semble avoir pris la tangente, ce qui risque bien d'entraîner la confiscation d'un bien absolument vital pour Ree! Courageusement, la jeune fille va se mettre à sa recherche. Collé à ses basques, le spectateur découvrira avec elle un voisinage très peu jouasse où les liens du sang n'empêchent pas la tromperie et encore moins la violence
Du roman d'origine, la cinéaste a conservé cette description étonnante d'authenticité de l'Amérique profonde, celle de tout en bas, qui entretient avec un arsenal très fourni le rêve dégénéré des pionniers d'antan. Elle y catapulte une héroïne innocente qui va littéralement harceler cette communauté recroquevillée sur elle-même et oublieuse des devoirs les plus élémentaires. Mélange détonnant d'obstination enfantine et de lucidité prématurée, Ree réactive contre toute attente, de façon inexplicable et inexpliquée, un peu du lien social dissous dans la peur et le non-dit, sauvant les uns et les autres de l'infamie totale. Rarement, un film aura apparié avec autant de puissance l'espoir à la désespérance, formant un ramassé d'existence que la jeune actrice Jennifer Lawrence réussit à rendre avec une présence sidérante! /VAD
Réalisateur: Debra Granik
Genre: drame
Durée: 1h40
Age: 14 ans
Avec: Jennifer Lawrence, John Hawkes, Lauren Sweetser, Kevin Breznahan
Cinémas: Apollo, Neuchâtel; ABC, La Chaux-de-Fonds