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Daniel Lanois: la musique vissée à l'âme

06 juin 2011, 07:17

Il y a près d'un an, Daniel Lanois était victime d'un grave accident de moto qui a bien failli envoyer ad patres le producteur de «Joshua Tree», disque fondateur du mythe U2. Il se rendait alors à un concert, impatient de découvrir un jeune groupe conseillé par un ami... Après avoir collaboré avec les plus grands artistes au monde, après avoir sorti une dizaine d'albums personnels, Daniel Lanois était et est toujours animé par la même passion de la musique. L'intensité de cette ferveur est particulièrement frappante sur l'album de Black Dub, projet qui l'occupe actuellement et qui compte en son sein la chanteuse multi-instrumentiste Trixie Whitley (fille du bluesman disparu Chris Whitley) et son batteur de toujours Brian Blade. Un étonnant métissage de dub jamaïcaine, de soul et de rock que le public du Montreux Jazz Festival pourra découvrir le 13 juillet prochain.

Vous êtes très actif ces temps-ci avec Black Dub. L'accident n'est plus qu'un lointain souvenir...

Oh, j'ai encore quelques douleurs à supporter... Ma cage thoracique a été détruite, mes poumons se sont partiellement effondrés, j'ai eu des hémorragies internes... J'ai passé plusieurs mois en chaise roulante et je devais dormir assis... Heureusement, la production de l'album de Neil Young (réd: intitulé «Le Noise» en hommage à Lanois), puis Black Dub m'ont beaucoup aidé à me remettre. Et avoir frôlé la mort me donne plus que jamais envie de vivre, de jouer chaque note comme si c'était la dernière...

Pour en venir à Black Dub, comment le projet est-il né?

L'idée a pris forme en Belgique, lorsque j'ai revu Trixie Whitley après de longues années... Je l'avais connue enfant. J'étais très ami avec son père Chris Whitley avec qui j'avais travaillé. J'étais donc conscient du talent inscrit dans l'ADN familial. Je savais qu'elle chantait et j'étais curieux de l'entendre. On a fait des essais en studio et sa voix m'a vraiment impressionné. Sans qu'il n'y ait de sentimentalisme déplacé, je me suis dit qu'il devait y avoir une raison pour qu'elle réapparaisse ainsi dans ma vie. Quant à Brian Blade, il est l'un des meilleurs musiciens que je connaisse. Nous travaillons ensemble depuis près de vingt ans et il ne cesse jamais de me surprendre...

Après tant d'années à produire des disques, à composer des chansons, quel est le moteur qui vous fait avancer?

J'y ai pensé récemment et je crois que c'est le fait de voir se réaliser un potentiel à peine entrevu. Comme lorsqu'on aperçoit par exemple de la végétation qui a spontanément poussé sur la paroi d'un bâtiment de béton. Une graine s'est coincée dans une fissure et la vie en a émergé. Je suis toujours en quête de ces «graines»… Peu importent les modes, ou le business, la beauté est toujours présente quelque part, dans la musique de certains artistes.

Votre album a été réalisé à l'ancienne, sans aucune «tricherie» technologique. A notre époque, cela a presque des allures de manifeste…

Malgré la technologie qui nous entoure tous les jours, nous ne perdons pas de vue que nous créons la musique de nos mains. J'espère que le public le percevra en écoutant le disque. Métaphoriquement, nous préférons gravir la montagne plutôt qu'emprunter le tunnel qui la traverse… (rires)

Depuis que vous êtes actif dans le monde de la musique, comment avez-vous perçu son évolution au fil des ans?

Les choses sont en constante évolution. Toutes ces années ont été une incroyable «avalanche de rock'n'roll», pourrait-on dire… Mais j'ai le sentiment que l'emprise toujours croissante de la technologie sur le monde rend la musique un peu moins «spéciale». L'industrie du disque y est pour beaucoup. Aux origines du rock 'n'roll, il n'y avait pas de disques. Il s'agissait plutôt de fournir aux gens un prétexte à la danse durant le week-end… Aujourd'hui, depuis que la musique est documentée, l'héritage est devenu tellement vaste! Cela prendrait à un jeune de 19 ans peut-être une dizaine d'années pour avoir une bonne connaissance du rock'n'roll. Je crois que nous avons atteint le point de saturation. Le rock'n'roll a à présent une autre signification sociale, loin de la culture révolutionnaire des débuts... Je suis assez content aujourd'hui de tourner et de revenir un peu à l'essence. Simplement jouer pour les gens, le week-end… (rires)

INFO+
Black Dub, Sony Music, 2011. www.blackdub.net. En concert le 13 juillet Au Miles Davis hall.

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