Les faits. Hiver 1871, très froid dans les hautes vallées jurassiennes. La guerre franco-allemande tourne mal pour les Français. Napoléon III a capitulé en septembre, enfermé dans Sedan. Paris est assiégé. L'armée de l'Est, commandée par le général Bourbaki, tente de remonter sur Belfort, mais, à mi-janvier, elle commence de se replier sur Lyon. Mais ses troupes, désorganisées, sont rejetées vers la frontière suisse. Une seule issue pour échapper à l'ennemi: la Suisse, Etat neutre.
Le 1er février, une convention est signée avec le général Herzog. Dans les trois jours qui suivent, 87 000 hommes et 12 000 chevaux entrent en Suisse par Les Verrières, Sainte-Croix, Vallorbe et la vallée de Joux.
Côté français, l'événement a laissé peu de traces. Comme si l'histoire faisait un saut de la défaite de Sedan à la Commune de Paris, de mars à mai 1871. Il est vrai que c'est le récit d'une défaite. Et puis, «le Haut-Doubs, c'est loin de Paris!», soupire Joël Guiraud, conservateur du Musée de Pontarlier, qui déambule dans les couloirs de l'exposition. Des textes explicatifs, des armes et des uniformes dans des vitrines, des photos en noir et blanc de la ville du 19e siècle.
Tout autre est le regard suisse. Le volet de l'exposition préparé par le Musée militaire de Colombier - à la chapelle des Annonciades, en face du musée - regorge de témoignages. D'Auguste Bachelin à Albert Anker, nombreux ont été les peintres à s'inspirer de l'arrivée aux Verrières de ces troupes exténuées. Sans oublier le Genevois Edouard Castres, auteur du saisissant panorama exposé à Lucerne depuis plus d'un siècle. «L'événement a touché tout le monde en Suisse», rappelle Hélène Mock, conservatrice du Musée militaire de Colombier, qui rappelle que ces réfugiés ont été répartis dans tous les cantons, hormis le Tessin.
L'épisode devient donc partie prenante de l'histoire suisse. Comme un épisode militaire (la Suisse, neutre, avait mobilisé des troupes à la frontière, comme elle le fera en 1914 et en 1939), mais aussi comme un acte humanitaire. «C'est la première action dans le terrain de la Croix-Rouge, fondée quelques années auparavant», insiste la conservatrice.
Pourtant, au début du conflit, l'opinion publique suisse était plus favorable aux Prussiens. Elle semblait craindre les soldats français. Il est vrai que, formellement, c'est la France qui a déclaré la guerre... /SDX
«Bleu-Blanc-Croix-Rouge», Bourbaki, choc et mémoires franco-suisses. Musée de Pontarlier (2, place d?Arçon) et chapelle des Annonciades, tous les jours sauf le mardi, 14h-18h. Jusqu?au 16 mars