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Ces passagers qui nous emportent

A la fois très attendu et très inattendu, le tout nouveau tome des «Passagers du vent» de François Bourgeon, se passe dans un Sud meurtri par la Guerre de Sécession où l'on s'attend presque à voir surgir Rhett Butler et Scarlett O'Hara.

17 oct. 2009, 04:15

Il y a un quart de siècle, Bernard Pivot invitait à «Apostrophes» une brochette de grands auteurs de BD: parmi eux Mandryka, dont nous avons évoqué il y a deux semaines les tristes ragoûts qu'il mitonne aujourd'hui, et François Bourgeon, déjà auteur, à l'époque, des cinq premiers tomes des «Passagers du vent», qui semblaient alors une série close.

Le contraste est grand entre l'évolution de ces deux géants! Bourgeon, pour sa part, avait enchaîné sur la prodigieuse série médiévale des «Compagnons du crépuscule», puis s'était lancé dans une saga de science-fiction plus sinueuse et chaotique, «Cyann», dont la poursuite n'avait certes pas été facilitée par de gros problèmes éditoriaux qui avaient forcé l'auteur à un silence dont il semble aujourd'hui avoir heureusement émergé. Ainsi propose-t-il coup sur coup la réédition des cinq premiers albums des «Passagers du vent» et un nouveau tome, pour le moins inattendu, qui se passe au moment de la Guerre de Sécession.

Le récit n'a apparemment rien à voir avec ce qui a précédé, mais le lien sera fait d'une manière magistrale, en retrouvant la belle Isabeau âgée ici de… nonante-huit ans! Le fil rouge de toute la série s'avère être la question de l'esclavage américain, dont Isa a connu presque toutes les étapes. On retrouve par ailleurs, dans le personnage de sa petite-fille, l'habituelle héroïne bourgeonnienne, jeune, libre, provocante, et n'ayant pas sa langue dans sa poche.

Le français pseudo-médiéval des «Compagnons du crépuscule» cède ici devant un créole nettement plus crédible. Le dessin, plus somptueux que jamais, n'hésite pas devant de très grandes cases et des gros plans d'une plastique admirable; les matières et la texture des paysages, en particulier, sont toujours rendues avec cette précision hallucinante qui est vraiment la «touche Bourgeon». Les dialogues, il est vrai, sont par moments un peu didactiques et l'on espère que la suite et fin de l'aventure en cours, annoncée pour tout bientôt, réussisse le pari de lier harmonieusement les deux fils narratifs qui s'y concurrencent. Mais ces minuscules bémols ne doivent pas nous cacher une évidence qui ne peut qu'enchanter tous les amateurs de grande BD: Bourgeon nous est revenu! /ACO

«Les passagers du vent», «La petite fille Bois-Caïman, livre 1», François Bourgeon (scénario et dessin), éd. 12bis, 2009

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