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Calvin imprègne toujours Genève

Les protestants commémorent cette année le 500e anniversaire de la naissance de Calvin. Son esprit anti bling-bling imprègne toujours Genève.

22 juil. 2009, 11:56

Intelligent et sensible d'un côté, colérique et tyrannique de l'autre, Jean Calvin est un personnage complexe. Il inspire le respect pour avoir remis la lecture de la Bible au cœur de la pratique religieuse, mais il n'inspire pas une grande dévotion, pour autant que ce terme appartenant au vocabulaire catholique soit approprié au portrait de l'un des pères du protestantisme. Le rigorisme pointilleux de la Genève du XVIe siècle heurte le regard de l'observateur du XXIe siècle qui se méfie des régimes autoritaires. Cette vision est-elle anachronique? Le 500e anniversaire de la naissance de l'illustre prédicateur est l'occasion de s'interroger sur la pertinence d'une lecture moderne de l'histoire de la Réforme.

«On ne peut pas comprendre Calvin sans le replacer dans son contexte historique», souligne la théologienne Isabelle Graesslé, directrice du Musée international de la Réforme à Genève. Or la Réforme ne s'est pas contentée d'écarter le culte des saints ainsi que le commerce des indulgences et des reliques. En réaction aux excès de l'Eglise catholique, elle a aussi développé une morale austère et exigeante. Et pas seulement à Genève. «Les bals y étaient certes interdits, mais ces règles de vie doivent davantage à l'esprit de la Réforme qu'à Calvin lui-même», note la théologienne. «Des lois somptuaires existaient aussi à Berne et Lausanne. Ce qui distingue Genève, c'est le système mis en place pour vérifier la bonne observance de ces règles.»

Certaines années, près de 10% de la population a dû rendre des comptes au Consistoire, à savoir le Conseil disciplinaire mis en place par Calvin. Des historiens ont parlé d'inquisition. Pour Isabelle Graesslé, cette accusation n'a pas lieu d'être au vu des études récentes portant sur la publication des registres du Consistoire. «Il fonctionnait plutôt comme un conseil social en traitant par exemple des questions liées à l'alcoolisme, à la violence conjugale ou aux enfants naturels. Tous les cas graves étaient déférés au juge civil.» Elle récuse aussi le terme de théocratie: «Il y avait une réelle séparation de l'Eglise et de l'Etat. Néanmoins, le pouvoir politique demandait l'avis du pouvoir religieux pour certaines décisions, comme pour le sort à réserver à Michel Servet, finalement condamné au bûcher pour hérésie, en 1553.»

Si l'on se penche avec un tel intérêt sur les mœurs de la Genève du XVIe siècle, c'est que l'influence de Calvin est encore bien présente. S'engageant sur le chemin ouvert par Luther et Zwingli, il a codifié la tradition protestante et c'est son héritage qui transparaît aujourd'hui dans les principales églises réformées de Suisse et du monde. Son idée de la prédestination a néanmoins été écartée au XVIIIe siècle. «N'oubliez pas les conditions de vie de l'époque», rappelle Isabelle Graesslé. «Des épidémies de peste tous les dix ans, une alimentation faite de brouet et de pain, des logements insalubres. En imaginant un Dieu qui prend tout en charge, Calvin espérait délivrer les croyants de la peur de la mort.»

Migrations obligent, il y a depuis longtemps davantage de catholiques que de protestants à Genève. Pourtant l'esprit du protestantisme subsiste, y compris chez les catholiques qui sont imprégnés de cette culture. «Elle se traduit par le refus d'un paraître exubérant ainsi que par l'importance accordée à la responsabilité individuelle», explique Isabelle Graesslé. «Ce n'est sans doute pas un hasard si Genève abrite autant d'institutions humanitaires.»

Sa place financière est-elle aussi un héritage du calvinisme comme le laisse entendre le sociologue Max Weber, célèbre pour sa thèse sur l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme?

La théologienne estime qu'il y a effectivement un lien spécial entre les protestants et l'argent. «Ils sont incités à cultiver leurs talents et, du coup, la réussite matérielle est parfois considérée comme une forme de consécration. Il ne faut cependant pas aller trop loin dans les analogies. Ce n'est pas parce que Calvin prônait le prêt sans intérêt aux pauvres qu'il peut être considéré comme le père du microcrédit.» /CIM

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