On ne joue plus guère aujourd'hui le «théâtre musical» ou la «musique en action». C'est qu'il y a peu d'interprètes pour rendre justice à ces genres. En présentant «Fidélité» de Georges Aperghis, proposé par la harpiste Manon Pierrehumbert, le théâtre ABC conjure le sort.
«Fidélité» est une fresque pastellisée sur le thème du couple. Tout en jouant de sa harpe, Manon Pierrehumbert soliloque. Elle confirme de manière éclatante les dons musicaux que l'on avait déjà découvert en elle et dévoile parallèlement un talent de comédienne. Le texte d'Aperghis, d'une belle matière théâtrale, vivait tout à coup par l'inexplicable cohérence des notes et des mots, mais surtout par l'exquise présence de Manon Pierrehumbert. La jeune interprète maîtrise une technique vocale évoluant entre le chant, la voix parlée et la psalmodie, tout cela rendu avec autant de poésie que d'humour désinvolte: «à la Cathy Berberian»!
«Fidélité», en compagnie d'Antoine Joly, a suscité l'enchaînement presque cinématographique à «Infidélité», séquence illustrée musicalement par une partition de François Cattin. Faute de texte, Thomas Sandoz et Antoinette Rychner, complices coutumiers d'intelligents forfaits, ont imaginé une relation radiophonique entre les personnages. Le discours, tout en subtilité, s'est déroulé comme une émission difficile à capter sur les ondes courtes!
La mise en scène d'Alexa Gruber valorise l'espace du petit théâtre ABC, elle rend l'atmosphère d'une musique en action.