Aussi délicieusement insolite qu'une balade à dos de chameau, «Circulations» nous amène de Berlin à New York et à Amman en passant par Budapest, Guggisberg, Baden-Baden et Granges. Dans ce récit de voyage singulier, Matthias Zschokke, lauréat du prix Femina étranger 2009, nous invite à suivre ses traces et à regarder le monde comme lui, avec des yeux d'enfant émerveillé.
Les taxis d'Amman l'enchantent, et même le buffet de la gare de Granges, qu'il trouve si poussiéreux au point d'en devenir sympathique, trouve grâce à ses yeux. Il s'arrête aux petits détails, n'hésite jamais à parler de la qualité de la literie de l'hôtel qu'il a choisi et ne se lasse pas de décrire petits-déjeuners, repas en tous genres et restaurants. Au point que «Circulations» pourrait bel et bien servir de guide touristique.
Mais, il va sans dire, ce livre est bien plus que cela. Outre que Matthias Zschokke a une façon bien particulière de ne pas accorder trop d'importance aux attractions touristiques principales, voire de les éviter franchement, il fait preuve d'humour. Ainsi il remarque à Granges, en quête d'une distraction: «Au centre paroissial Selzach a lieu le championnat suisse de bras de fer, le samedi côté gauche, le dimanche côté droit. On est dimanche. Le côté droit ne me dit rien.»
Alors que notre touriste vagabonde seul la plupart du temps, il rencontre de temps en temps des gens qui deviennent le prétexte d'anecdotes piquantes ou émouvantes: une correspondante de la «NZZ», un jeune Bédouin, et surtout le baron von Trippnitz, un personnage pittoresque, chaleureux parasite du monde des arts. Bref, on ne s'ennuie pas une seconde, entre le récit d'une soirée ratée au City Opera de New York, et l'étalage des défauts de Genève après cette abrupte affirmation: «Il y a des lieux où l'on se sent vite chez soi. Genève n'en fait pas partie.» Matthias Zschokke saurait rendre passionnante la moindre lézarde du trottoir en bas de chez lui.
«Circulations», Matthias Zschokke, traduit de l'allemand par Patricia Zurcher, éd. Zoé