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A Gaza, le musée échappe aux bombes

10 août 2009, 08:03

Au restaurant Al-Quds («Jérusalem»), au centre d'Amman, on sert toujours le meilleur mansaf de la capitale jordanienne sur de vieilles tables en formica. L'homme d'affaires de Gaza, Jawdat Khoudary, y en a mangé de nombreux. Mais deux repas restent gravés dans sa mémoire: c'est ici qu'il mange pour la première fois de sa vie hors de Gaza, en décembre 1978. Et, début 2009, ici aussi qu'il partage son plat avec deux de ses fils qu'il vient d'inscrire, à contre-c½ur, dans une école supérieure en Jordanie. Entre ces deux étapes, le parcours de Jawdat Khoudary oscille entre espoirs de paix et désillusions. Il a fait fortune dans la construction, au culot tout d'abord: se lançant dans des soumissions sans posséder de machines de chantier: il a réussi. Dès 1994, et l'arrivée de Yasser Arafat à Gaza, les dollars de la communauté internationale pleuvent sur la Palestine. Et l'entrepreneur saura en profiter. Si Béatrice Guelpa n'était pas une journaliste confirmée - elle a couvert la guerre en Tchétchénie et le conflit israélo-palestinien -, on se méfierait de cette «success story». Mais le récit n'est pas celui d'une réussite économique, mais bien celui d'un homme dont le destin change à la découverte d'un médaillon de verre du VIIe siècle avec des inscriptions en arabe. A partir de ce jour, Jawdat Khoudary va amasser une collection hétéroclite d'objets archéologiques trouvés sur les chantiers qu'il ouvre à Gaza. Sous son toit, des trésors s'accumulent. Il les enterre dans son jardin quand la menace israélienne se fait trop forte. Conseillé, aidé par des archéologues, il verra sa collection exposée à Genève en 2007. Ses objets s'y trouvent encore, au Port-Franc. Cette reconnaissance lui a permis de réussir son pari le plus fou: construire et ouvrir un musée à Gaza, «pour redonner le goût du beau à mes compatriotes».

L'auteure, la Genevoise Béatrice Guelpa, a suivi ce parcours, rencontrant Jawdat Khoudary à de nombreuses reprises. Lui estime avoir eu de la chance. Parfois au bord de la banqueroute, il s'est toujours relevé. Mais l'opération israélienne «Plomb durci», entre décembre 2008 et janvier 2009, a fait 1330 morts. En 22 jours, un million de tonnes de bombe est tombé du ciel: soit 700 grammes par personne... Son fils, Omar (17 ans), raconte les 22 jours dans l'obscurité, l'école détruite, le son des F16. Son père est triste: «J'ai tout fait pour élever mes enfants dans le respect de l'autre, mais Omar me dit qu'il veut étudier les explosifs...»

«Gaza debout face à la mer», Béatrice Guelpa, Editions Zoé, avril 2009.

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