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Quand le champ de vision d'Arles est non conforme

Jusqu'au 18 septembre, la ville d'Arles se transforme en temple de la photo pour accueillir les Rencontres et ses 47 expositions mêlant le photojournalisme, la photographie contemporaine aux nouveaux usages de la photographie.

30 juil. 2011, 07:29

«Maintenant, nous sommes une espèce d'éditeurs, tous, nous recyclons, nous faisons des copier-coller, nous téléchargeons et remixons. Nous pouvons tout faire faire aux images. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un œil, un cerveau, un appareil photo, un téléphone, un ordinateur, un scanner, un point de vue. Nous créons plus que jamais parce que nos ressources sont illimitées et les possibilités sont infinies». Il suffit de lire le manifeste de l'exposition «From Here On» pour comprendre que la photographie subit de grands changements, qu'elle est bouleversée par les multiples façons de la produire, de l'utiliser et de la diffuser. Sous le label «non conforme», la 42e édition des Rencontres d'Arles se confronte au bouleversement de l'identité photographique.

Remise en question

«From Here On» regroupe 36 photographes dont la source première d'inspiration est internet. Une exposition audacieuse mais risquée, car le puriste de la photographie et du photojournalisme en ressort émerveillé et révolté à la fois. «From Here On» remet non seulement la photographie en question mais aussi le rapport que le public a avec elle. «Nous sommes dans une ère de surproduction visuelle à cause du numérique et d'internet. Avec cette exposition, on veut faire remarquer qu'il y a un tournant dans l'usage de la photo et qu'internet devient un réservoir sans fond dans lequel on peut se servir librement. Il n'est plus forcément question de produire mais simplement d'utiliser ce qui est déjà produit. Les artistes recyclent l'existant!», explique Erik Kessels, curateur de l'exposition.

Si tous les chemins de la salle de l'exposition «From Here On» mènent au manifeste, son impact frappe encore plus fort au fil des photos et vidéos qui l'entourent. C'est ainsi que l'artiste canadien Jon Rafman collecte l'indiscrétion à travers le monde grâce aux copies d'écran de Google Street view, que le chat de Christian Allen appelé «Nancy Bean» ramène de ses escapades quotidiennes de nombreuses photos grâce à son appareil numérique autour du cou, ou encore, que des centaines de piscines, de bateaux ou de maisons issus de diverses photographies numériques sont regroupés, détourés et enlevés de leur contexte par Jenny Odell. Surgissent alors des questions qui remettent en cause l'éthique, les droits d'auteurs, l'esthétique, l'authenticité et la véracité de la photographie.

Démontrer l'évolution

«Il n'est pas question d'éthique ou de droits ici. Les artistes veulent surtout susciter de la curiosité, donner à réfléchir. Qu'est-ce qu'on fait? Quelle est l'approche, l'erreur? Je pense aussi qu'il y a plus d'authenticité et de spontanéité au détour d'erreurs, de taches qu'on retrouve sur certaines photos présentées que sur des photos de professionnels où la spontanéité est finalement gommée dans la démarche. La vérité ici se trouve dans l'idée, pas dans la photo», s'exclame Erik Kessels.

Pour lui, «From Here On» est là pour démontrer l'évolution de la photographie, de la banalisation de son appropriation, de son hyperaccessibilité et non pas pour dénigrer la photographie traditionnelle. «Chaque chose suit son cours et la photographie aussi. Ce que l'on voit représente notre société. Nous sommes à l'ère des nouvelles technologies, du bombardement visuel. Je pense que nous arrivons d'ailleurs à un point culminant de cette consommation obsessive d'images. On va gentiment commencer à faire un tri et dans 20 ou 30 ans on n'aura peu ou pas de traces photographiques des années 2000 car elles auront disparu d'internet ou de notre ordinateur, car il suffit simplement de cliquer sur effacer.»

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