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Les victimes de la Stasi vivent toujours un cauchemar

Ils sont six dans la salle du «Groupe d'auto-soutien des victimes de la Stasi», la police secrète de la RDA. Ensemble, ils tentent de surmonter les souvenirs qui les hantent toujours 20 ans après la chute du Mur.

08 oct. 2009, 04:15

Cinq d'entre eux ont été incarcérés dans les prisons est-allemandes aux méthodes radicales, comme 300 000 personnes en RDA, pour des motifs tels qu'hostilité au régime, commerce illégal, tentative de fuite ou espionnage. «Pas un jour sans qu'on revive le passé», dit Carl-Wolfgang Holzapfel, 65 ans, Allemand de l'Ouest arrêté à l'Est pour activisme politique.

Une fois «racheté» à coups de devises par la RFA, une pratique courante de la Guerre froide, il a continué les manifestations chocs et autre grève de la faim. Mais aujourd'hui, «je ne peux pas rester dans un petit appartement parce que j'étouffe», dit-il. «Les portes doivent toujours être ouvertes. Quand je regarde un film sur cette époque, mes souvenirs m'assaillent». Incompris par ses enfants trentenaires, il a «l'impression d'être parano». «Parler ici ça m'aide, on est une communauté», explique-t-il.

Tous hochent la tête. Ils se sentent naufragés d'un régime sur lequel «la société allemande a voulu tirer un trait» après 1989. Dans un souci de transparence et pour solder les comptes, l'Allemagne réunifiée a ouvert les archives de la Stasi. Chacun à cette table a eu accès à «son» dossier. Ces lectures ont ravivé bien des plaies.

«Mon plus grand choc date de là», assure Edith Fiedler, 74 ans, incarcérée pendant 20 mois en RDA sur «dénonciation calomnieuse d'une belle-sœur jalouse. C'est en consultant mon dossier que je l'ai su et que j'ai réalisé combien j'avais été en danger, visée par des projets d'assassinats», dit-elle. Des larmes plein les yeux, elle raconte son «choc post- traumatique» et comment, autrefois, on lui a arraché son fils de neuf ans.

Daniel Fiedler, 41 ans, écoute sa mère avec peine. «La Stasi m'a volé ma vie», dit-il en évoquant son enfance déglinguée, avant de s'arrêter subitement, quand la douleur le submerge. Au sein du groupe né en 2008 et qui se réunit une fois par mois dans un centre social de l'Est de Berlin, plusieurs ont connu la dépression et certains ont voulu se suicider.

Comme Tatjana Sterneberg, 57 ans, dénoncée et arrêtée alors qu'elle préparait sa fuite à l'Ouest avec son fiancé italien. Elle ne s'en sort toujours pas, 36 ans plus tard. «En prison, on m'a déshydratée, sous-alimentée, droguée avec des psychotropes. J'ai eu la camisole de force», dit-elle.

Les souvenirs jaillissent. Trois ans d'incarcération. Deux ans et demi pour l'Italien. Les retrouvailles impossibles en RFA, l'enfant, le divorce, jusqu'à l'internement en 1996 pour dépression grave, phobies multiples et crises d'angoisses. «Nous, victimes de la Stasi, nous avons un problème de crédibilité, nous devons prouver nos souffrances», conclut Tatjana. «On a besoin de ce groupe pour se croire mutuellement», abonde Edith.

Werner Krüger, un ancien espion de 73 ans détenu «huit ans et trois mois en RDA avant d'être échangé contre un autre espion», assure que la Stasi n'a malgré tout pas réussi à le «démolir». Adam Lauks, si. Ce Yougoslave de 59 ans autrefois marié à une Allemande de l'Est a écopé de sept ans de prison pour transport clandestin de marchandises et reste traumatisé d'avoir failli mourir en détention: «J'avais une grave crise d'hémorroïdes, la Stasi a refusé de me faire opérer tant que je n'avouais pas. J'ai croupi dans mon sang».

Une idée l'obsède: obtenir la preuve que son ex-femme l'a dénoncé. «J'en suis sûr à 100% et ça me ronge», dit-il. Son cauchemar récurrent? «Je suis dans la tombe, un couvercle en verre au-dessus de moi. On m'a enterré vivant». /AKA-afp

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