Allez comprendre. Alors que l'an dernier, les garde-faune grisons abattent l'ours JJ3 parce qu'il n'est pas assez farouche et s'approche dangereusement de l'homme, la Ville de Berne, de son côté, soigne son symbole et dépense 24 millions de francs suisses pour offrir un nouvel habitacle pour ses protégés et permettre aux visiteurs de s'en approcher le plus possible.
Björg et Finn sont les premiers résidants du tout nouveau parc aux ours qui sera inauguré dimanche. Jusque-là, ils résidaient au Tierpark dans l'attente de la fin des travaux. Hier, on pouvait déjà les admirer prendre possession des lieux depuis le Nydeggbrücke, où des grappes de touristes s'amusaient du moindre mouvement à défaut de pouvoir approcher davantage.
Bientôt, les barrières métalliques s'envoleront et il sera possible de faire le tour du terrain de 6000 mètres carrés aménagé spécialement pour le plantigrade, avec son bassin le long de l'Aar, ses arbustes, ses troncs et ses cavernes. C'est vrai que située juste à côté, l'ancienne fosse aux ours paraît misérable. D'ailleurs, les animaux en souffraient autant que les défenseurs de leur cause. Le béton humide provoquait de l'arthrose et c'est ainsi qu'est mort Pedro, le dernier habitant, euthanasié le 30 avril dernier à l'âge de 28 ans.
Les habitants de Berne ont voté comme un seul homme la transformation de la fosse en parc. Ce qu'ils ne savaient pas à l'époque, c'est que le projet estimé d'abord à 9,7 millions allait prendre l'ascenseur, notamment en raison de mauvaises surprises géologiques. Etablis ensuite à 14,5 millions, les coûts s'élèveront finalement à 24 millions de francs, une nouvelle que les Bernois viennent d'apprendre. Une enquête administrative a été ouverte pour connaître les responsabilités dans cette débâcle. Cerise sur cet amer gâteau: le Conseil municipal et son maire Alexander Tschäppät n'en ont été informés que récemment par le maître d'uvre, soit le service des constructions de la Ville.
24 millions, ça fait effectivement cher le mètre cube de béton, élément le plus visible de ce qui ressemble plus à un talus qu'à un parc. Mais les touristes vont apprécier. L'ancienne fosse aux ours figurait déjà parmi les lieux les plus visités de Berne. L'office du tourisme a profité de l'ouverture du parc pour inviter des représentants des médias européens à séjourner dans la capitale en fin de semaine. Puis, ce sera le tour de la presse américaine et asiatique.
Mais la fosse aux ours est surtout l'affaire des Bernois et de leur histoire. Selon la légende, la ville doit son nom à son fondateur, le duc Berchtold V von Zähringen. Cherchant un lieu pour y construire la cité, il s'est vu proposer cette boucle de l'Aar. Le duc Berchtold a alors annoncé que le premier animal qui serait tué donnerait son nom. Et ce fût un ours. La tradition d'enfermer un animal vivant remonte à 1513 et symbolisait à l'époque le triomphe de l'homme sur la bête sauvage. Après plusieurs déménagements, c'est la zone actuelle, située à côté du pont de Nydegg qui a été choisie, en 1857. Complètement réaménagée pour correspondre aux standards des plus grands zoos, l'Office du tourisme bernois la présente maintenant comme un «espace impressionnant pour humains et animaux». /MAG