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Les bactéries sont souvent identiques

27 mai 2011, 10:35

Résultat bien surprenant qu'a relayé, courant avril, la revue britannique «Nature»: en comparant la flore intestinale - ou «microbiote» - de quelques centaines de personnes entre Europe, Etats-Unis et Japon, des chercheurs n'ont recensé que trois grands types de flores, trois «entérotypes» baptisés «Bacteroides», «Prevotella» et «Ruminococcus» selon la bactérie qui y domine. Simplicité d'autant plus troublante qu'en l'état des données, l'entérotype hébergé est indépendant de l'âge, du sexe, de l'origine ethnique, du régime alimentaire ou de l'état de santé de l'hôte!

Applications, déjà?

Beau mystère donc, mais déjà le consortium européen à qui l'on doit cette observation s'emballe sur les applications! En se prévalant certes de précédents. Ainsi le professeur Stanislav Dusko Ehrlich, spécialiste en génétique microbienne à l'Institut national de recherche agronomique, Jouy-en-Josas, France, rappelle-t-il que «la présence ou non d'une demi-douzaine d'espèces bactériennes permet d'assurer à 80-85% que le prélèvement provient d'une personne obèse». Et le docteur Peer Bork, du Laboratoire de biologie moléculaire d'Heidelberg, se targue, lui, d'évaluer de même l'âge d'un sujet: «Inutile! Mais ça suggère d'autres corrélations, en particulier entre des maladies et la présence ou le défaut de certains microbes dans la flore digestive.» De tels soupçons sont déjà largement fouillés dans le cas de l'obésité: le genre Bacteroides est ainsi efficient à briser les sucres, et certains Ruminococcus aident nos cellules à les absorber.

Pour sa part, Prevotella dégrade des mucus de l'intestin, une cause possible de douleurs chroniques. Chaque entérotypes influe par ailleurs sur le taux de certaines vitamines: C, B2 et B5 pour Bacteroides, B1 et acide folique pour Prevotella.

Les différences d'entérotype pourraient expliquer pourquoi un médicament n'agit pas pareillement selon les patients, explique Jeroen Raes, de l'Université Libre de Bruxelles, qui imagine d'ajuster des traitements en fonction du microbiote individuel, ou de stimuler les «bonnes» bactéries et inhiber les préjudiciables. Ou encore «de transplanter le microbiote d'une personne en santé à une autre, malade».

Brett Finlay, University of British Columbia, Vancouver, l'a expérimenté avec succès chez des souris sensibles à un microbe intestinal fatal: après ingestion d'un extrait de crottes - et donc de flore intestinale - de souris résistant au microbe, les «ensemencées» ont acquis à leur tour cette résistance! Peer Bork reste cependant prudent: «Il est un peu tôt pour généraliser sachant que chacun de nous abrite un cocktail bactérien unique.»

La mesure de ce qu'on ignore

Difficile en effet de croire que nous sommes loin sur la voie d'une compréhension globale au vu du nombre d'espèces bactériennes qui nous habitent, la proportion de chaque espèce, les propriétés spécifiques et les interactions biochimiques qui en découlent, entre bactéries mais également avec nous, selon notre génétique personnelle, notre environnement... Le Nobel de médecine 2005 a récompensé le découvreur d'un lien entre la bactérie Helicobacter pylori et les ulcères, mais la complexité de ce lien, reflétant celle du tube digestif, a été alors largement occultée: si 90% des ulcères du duodénum et 80% des ulcères gastriques tiennent à une infection par Helicobacter, 80 à 90% des colonisations ne sont pas suivies d'ulcères, et 98% au moins n'entraînent pas de cancer. Helicobacter n'est donc pas seul déterminant - et à proscrire par vaccin, comme on l'a proposé! -, de quoi inciter à la réflexion. Et à l'humilité.

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