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Le smartphone, forme d'esclavage moderne pour le salarié

01 avr. 2011, 04:15

Près de dix millions de Français et quantité de Suisses sont équipés de «smartphones». Cette innovation technologique et ludique peut laisser un arrière-goût amer à certains salariés. Ceux-ci sont rendus corvéables à merci par ce «cadeau» de leur employeur.

Il n'est pas de bon ton de critiquer le précieux joujou (iPhone et autres BlackBerry) fourni par le patron. Une avocate travaillant à Paris pour un grand cabinet anglo-saxon indique sous couvert de l'anonymat que dans sa profession, «le smartphone est quasi obligatoire» et «fait généralement partie du pack de bienvenue». Selon elle, les avocats sont ainsi «tenus de répondre à toute heure du jour et de la nuit». Elle observe aussi qu'«il est de plus en plus difficile de déconnecter», y compris le soir et le week-end.

Nicole Turbé-Suetens, experte en télétravail du réseau Distance expert, indique que «des salariés commencent sérieusement à songer» à exiger le paiement des heures supplémentaires liées aux «smartphones». Des actions ont été lancées aux Etats-Unis, mais pas en France, où il n'y a pas de jurisprudence pour l'heure. Les téléphones multifonctions sont «une arme à double tranchant», estime-t-elle. Ils offrent à la fois «liberté car c'est un formidable outil de mobilité», et «dépendance du fait que les collègues, et surtout le manager, savent que le possesseur d'un smartphone peut travailler sur son téléphone, ils peuvent céder à la facilité d'en abuser». Pour Nicole Turbé-Suetens, «les dérives atteignent un niveau d'alerte. La vie privée n'est plus respectée dans bien des cas.»

Thierry Venin, chercheur au CNRS, s'apprête à soutenir une thèse sur le lien entre les technologies de l'information et de la communication (TIC) et le stress au travail. Il estime qu'«il y a encore un marqueur social de gratification de recevoir un truc un peu à la mode». En même temps, les cadres font clairement le lien entre smartphones et stress. La CFE-CGC a effectué une enquête en novembre 2010 via Opinonway montrant que 28% des cadres disposent d'un smartphone. Si 70% d'entre eux disent bénéficier d'un droit à la déconnexion lorsqu'ils sont en congé, le chiffre passe à 64% en week-end et 58% en soirée.

Le syndicat a réclamé l'édition de chartes sur l'usage de ces outils numériques et le paiement des heures supplémentaires. Thierry Venin évoque «un bug sociétal». Selon lui, «avec autant de machines, on devrait tous avoir les doigts de pieds en éventail et jamais on a entendu autant de gens se plaindre d'être débordés». Pour le chercheur, il «semble énorme que le lien ne soit pas fait entre le stress et les TIC, puisque ça a complètement modifié nos façons de travailler».

France Télécom a été la première entreprise à clairement établir ce lien. Un accord conclu en mars 2010 stipule qu'afin de prévenir «l'usage de la messagerie professionnelle, le soir, le week-end et pendant les congés, il est rappelé qu'il n'y a pas d'obligation à répondre pendant ces périodes».

Thierry Venin pointe «une inféodation de l'homme à l'outil». Il espère que l'avenir va permettre de retrouver «un peu plus de sagesse», même s'il pense qu'«on peut encore faire pire». /ats-afp

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