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Le parasite du renard: du jardin potager à l’humain

La surpopulation des renards génère une hausse des cas d’échinococcose alvéolaire, maladie invasive, fatale si elle n’est pas traitée. Le point avec le Pr Raffaele Malinverni, médecin chef à l’Hôpital neuchâtelois.

11 juin 2018, 00:01
Voici un renard en balade sur la route de la combe d'Enges entre Enges et Grand Chaumont.

GRAND CHAUMONT 13 05 2011
PHOTO: CHRISTIAN GALLEY ANIMAL

Les randonneurs avertis savent qu’avant de se laisser tenter par des fraises des bois, il est imprudent de les consommer sans les laver. Mais la plupart d’entre nous ignorent généralement que cette mesure de précaution s’applique aussi aux produits du jardin qui poussent près du sol… Baies, herbes aromatiques et salades récoltés dans le potager devraient donc être rincées avant d’être savourées, tout comme les fruits tombés au sol. Logiquement, il faudrait aussi se nettoyer les mains après avoir jardiné ou alors opter pour des gants.

Une mesure d’hygiène dictée par la recrudescence du parasite responsable de l’échinococcose alvéolaire dans l’Arc jurassien, comme dans le restant du pays et la moitié nord de l’Europe continentale. Au cours des 10-20 dernières années, «l’augmentation à la fois géographique et numérique a été massive», préviennent trois spécialistes suisses de la maladie dans un article du Forum médical suisse: actuellement 24 à 30 nouveaux cas d’échinococcose alvéolaire sont diagnostiqués chaque année, contre 8 à 12 avant l’an 2000. On attribue cet accroissement à la prolifération des renards, hôtes naturels du ténia echinococcus multilocularis, en milieu naturel et urbain.

Dans notre pays, on estime que 30% des individus de l’espèce sont contaminés. Chiens et chats peuvent aussi héberger le parasite, raison pour laquelle il est recommandé de les vermifuger régulièrement. Détail fâcheux: les œufs d’échinocoques sont très résistants au froid, la congélation à – 20°C ne suffit pas à les détruire.

Possiblement fatale

L’humain est un hôte accidentel du ver. Il est contaminé en ingérant les œufs du parasite par l’intermédiaire de fruits ou légumes qui ont été en contact avec les selles d’un animal infesté. Mais la victime tardera à s’en rendre compte, car «l’infection est asymptomatique pendant plusieurs années: le temps d’incubation va de 5 à 15 ans», explique le professeur Raffaele Malinverni, médecin chef du Département de médecine de l’Hôpital neuchâtelois.

L’échinococcose alvéolaire se manifeste généralement par des douleurs abdominales, une lourdeur en haut à droite et/ou une jaunisse. Maladie invasive, elle est fatale si elle n’est pas traitée. Selon les termes du professeur, elle est «antipathique» dans la mesure où elle produit de petits kystes principalement dans le foie, mais aussi dans les poumons et le cerveau à un stade avancé. Lors d’un examen aux ultra-sons, «ces vésicules peuvent être confondues avec des métastases si on ne fait pas attention», précise le professeur. Pour diagnostiquer la maladie, il faut généralement pousser les investigations avec différents procédés (échographies, scanner, tests sanguins, histologie, voire détection du matériel génétique parasitaire par PCR, l’acronyme de polymerase chain reaction).

Pas simple à identifier, l’échinococcose alvéolaire s’avère aussi longue à traiter: dans la plupart des cas, le parasite ne peut être complètement éliminé… «Il est rare qu’on puisse intervenir chirurgicalement sur les kystes», expose le prof. Malinverni. «Le cas échéant, un antiparasitaire est administré à vie, à raison de deux prises par jour. Mais le traitement n’élimine pas la maladie: il agit sur les vers à la périphérie des vésicules, en les empêchant de se répliquer. Lorsque la maladie est très étendue, nous devons effectuer une transplantation du foie.»

L’objectif du traitement consiste à empêcher le parasite de coloniser d’autres tissus. Si la médication est prescrite à vie, c’est parce que l’on ignore encore quand la maladie devient inactive. «Certaines études suggèrent que le PET scan (technique de médecine nucléaire) peut être en mesure d’indiquer si une échinococcose alvéolaire est inactive. Mais c’est encore expérimental», précise le professeur, «sans compter que cet examen coûteux n’est pas pris en charge par l’assurance de base.»

Hydatidose

Une autre forme d’échinocoque (echinococcus granulosus) peut être contractée par les humains par le truchement des chiens et des moutons, ses hôtes naturels. Les personnes infectées par ses œufs développement une maladie appelée hydatidose: les larves produisent des kystes dans le foie et les poumons, voire les yeux ou le cerveau. Les symptômes varient selon les organes atteints (lourdeurs abdominales, hépatite, troubles respiratoires ou neurologiques…). «Le traitement est chirurgical, car il s’agit de retirer les kystes qui compriment et détruisent les tissus», détaille le professeur. Il est accompagné d’un médicament antiparasitaire, pour éviter que les tissus sains ne soient infectés. Le patient est guéri lorsque le kyste est complètement calcifié. «Avec cette forme d’échinococcose, la majorité des personnes atteintes parviennent à surmonter l’infection par elles-mêmes, sans traitement. On tombe parfois sur un kyste calcifié après coup, au hasard d’un examen d’imagerie médicale!»

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