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La toute fraîche interdiction d'épouser un clandestin vacille

Depuis janvier, une personne suisse ne peut plus se marier avec une personne étrangère qui n'a pas de titre de séjour. But: mieux lutter contre les mariages fictifs. Mais la Grande-Bretagne vient d'être condamnée à Strasbourg pour une interdiction de ce type.

30 mars 2011, 12:30

La nouvelle disposition a été inscrite dans le Code civil suisse (art. 98, al 4), suite à une initiative parlementaire UDC déposée au Conseil national. Le Conseil fédéral ne s'y est pas opposé et les deux Chambres ont suivi, dans des votes où la gauche s'est trouvée en minorité.

Des voix se sont déjà élevées pour dénoncer ce qui est considéré comme une dérive: on ne peut pas, pour lutter contre les mariages fictifs ou de complaisance, interdire le mariage à toute une catégorie de personne, sans distinction, sans examen au cas par cas.

Une telle pratique est discriminatoire et arbitraire. Et c'est contraire au droit du mariage, garanti par la Constitution fédérale et par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Il s'agit d'un droit fondamental qui appartient à tous, étrangers et apatrides compris.

Dans sa livraison d'hier, l'Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers (ODAE) fournit à ce sujet l'avis de deux experts. Il y est dit clairement: «L'initiative UDC part de la conviction qu'une personne en situation irrégulière ne peut avoir en tête que de régulariser son séjour, y compris par le mariage. Et que ce souhait de mariage ne peut que relever de l'abus. Alors que la motivation peut être bien réelle, même si l'un des fiancés n'a pas de statut légal en Suisse».

Il faut effectivement lutter contre les mariages fictifs, par exemple lorsqu'ils donnent lieu à des versements de sommes d'argent par des réseaux de prostitution pour régulariser une femme en situation illégale. Il existe des instruments légaux pour y faire face, moyennant un soupçon fondé et une enquête.

Le nombre de mariages fictifs ne se situerait toutefois qu'entre 500 et 1000 par an, soit environ 3% des mariages entre citoyens suisses et étrangers. L'interdiction inscrite dans le Code civil ressemble dès lors à une mesure de crise, non justifiée.

Tant le Conseil fédéral que les commissions parlementaires compétentes avaient d'ailleurs précisé que la nouvelle disposition ne devrait peut-être pas être appliquée «à la lettre», mais plutôt avec souplesse. Certains cantons le font, d'autres pas, sans homogénéité.

Mais, en décembre, la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg, a condamné la Grande-Bretagne, qui avait une pratique analogue à celle que vient d'instaurer la Suisse. Il s'agissait également d'une interdiction générale de mariage, sans examen au cas par cas, pour défaut de papier en règles.

La Suisse va-t-elle subir le même sort? En principe oui, puisque c'est le même article 12 de la CEDH qui est violé: garantie du droit au mariage, sans que les législations nationales ne puissent toucher à la substance de ce droit. Mais il faudrait qu'un recours soit adressé à Strasbourg par une personne lésée par le droit suisse.

Ce qui risque de faire problème, c'est que le refus d'un officier d'état-civil ne fait généralement pas l'objet d'une décision écrite et motivée. Le refus est signifié aux fiancés pour qu'ils renoncent à leur projet, ce qui réussit. Difficile, dans ce cas, de porter l'affaire devant les tribunaux. /FNU

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