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La Poste attaque «Le Courrier»

La Poste est décidée à priver «Le Courrier» de son aide à la presse. Avec des arguments juridiques «restrictifs et subjectifs», le géant jaune veut exclure un quotidien qui ne lui semble pas assez ancré localement. Explications.

15 janv. 2011, 11:19

«Le Courrier», 140 ans d'âge et donc le plus vieux titre de la presse genevoise, résistera-t-il encore longtemps? Selon son éditorial du jour, le quotidien est sérieusement menacé car La Poste lui a signifié son intention de lui couper l'aide indirecte à la presse. Il s'agit là d'un tarif préférentiel appliqué pour l'acheminement des journaux par les facteurs.

Ce que La Poste reproche au quotidien comptant 9300 abonnés c'est de ne pas être «local et régional», pas «un journal généraliste», ou alors d'avoir le défaut d'être «suprarégional» avec des bureaux à Lausanne et Neuchâtel. Des arguments qui ne sont pas fixés dans la loi sur La Poste (art.15) qui classe les titres ayant droit ou non à l'aide fédérale selon dix autres critères: notamment avoir une diffusion en Suisse, ne pas être publiés par une autorité étatique, avoir 50% de partie rédactionnelle, ne pas dépasser 40 000 exemplaires.

Par année, 20 millions sont à la disposition de la presse régionale et 10 millions pour la presse associative. Mais le montant de cette aide, censée maintenir une presse diversifiée, vient d'être porté par le Parlement à 50 millions.

«Le Courrier» est convaincu de remplir les critères lui donnant droit à la poursuite d'une aide dont il profite depuis nombre d'années. Et il a le soutien ferme de l'Association des éditeurs romands qui, par communiqué, dénonce «une décision prise au terme d'un examen qui trahit une méconnaissance de la presse régionale romande et se fonde sur une interprétation abusive de la loi sur La Poste».

La Poste doit se contenter d'appliquer la loi, exige Press Suisse, et non interpréter le terme de presse régionale et locale «d'une façon si restrictive et subjective». Elle doit donc «revenir sur sa décision». Selon Nathalie Salamin, porte-parole de La Poste, l'état d'esprit n'est pas à la reculade. «Avec Le Courrier, les divergences portent bien sur la notion de presse régionale. Nous avons échangé plusieurs courriers, l'affaire n'est pas close mais nous maintenons notre position. Nous ne pouvons pas faire des exceptions». Mais si le quotidien genevois veut une décision finale du géant jaune, il peut tout à fait l'exiger et faire ensuite recours. «C'est alors le tribunal qui dira s'il a droit ou non à l'aide», résume Nathalie Salamin.

La disparition effective de l'aide représenterait pour «Le Courrier» une perte de 325 000 francs. Ce qui constitue grosso modo le 1/10 de son budget et l'équivalent des dons reçus annuellement. Pas une mince affaire quand chaque franc compte pour la survie. «Vous rigolez ou quoi?» Selon Benito Perez, co-rédacteur en chef, les parlementaires genevois ont vivement réagi quand ils ont été informés de la menace sur «Le Courrier». C'était «une surprise et un étonnement quasi unanime» pour ceux qui ont participé à l'élaboration de la loi. L'esprit de celle-ci leur semble manifestement violé. Conseil d'Etat genevois, Exécutif de la Ville et délégation parlementaire aux Chambres ont écrit à La Poste. «Nous avons l'appui sans ambiguïté du monde politique car «Le Courrier» est un élément du débat local. Côté Poste, ça n'a pas bougé, il faut l'appeler à la raison», estime Benito Perez.

Reprochant à La Poste de s'en prendre aux journaux les plus fragiles, «Le Courrier» n'est pas le seul à passer par la moulinette des juristes postaux. En Suisse alémanique, la «WochenZeitung», «Sonntag» ou «Zeitfragen» sont visés. En Suisse romande, «L'Echo Magazine» a réagi à une perte annoncée de plus de 100 000 francs en portant le prix de l'abonnement annuel à 187 francs (+8 francs). Ce qui n'a pas dissuadé les anciens abonnés. «On a un peu plus peur pour les nouveaux abonnés car notre tarif se raproche ainsi des 200 francs. On a décidé de ne pas entamer une bataille juridique avec La Poste car on a constaté que des modèles de journaux proches du nôtre ont perdu», résume Patrice Favre, rédacteur en chef.

«Le Courrier», lui, est prêt pour la bataille juridique. En recourant, il bénéficiera de l'effet suspsensif et de la poursuite d'une aide précieuse. S'il perd, il devra rembourser le trop perçu. Ce qui est un autre risque. /GTI-La Liberté

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