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Jouer à Robinson sur deux nénuphars égarés

28 oct. 2011, 04:15

Voyageurs allergiques aux décorums standardisés, visez le sud-est du continent africain! De part et d'autre de l'immense territoire malgache: les Comores (versant africain) et les Mascareignes (versant océan Indien). Chacun de ces archipels cache son île au trésor: un capital naturel encore miraculeusement épargné par le formatage globalisé. Pour combien de temps encore?

Du côté africain, le trésor s'appelle Mayotte. De l'autre, Rodrigues. Ici, le 101e - et petit dernier - département français. Là, une annexe de la République mauricienne, jouissant d'un statut d'autonomie depuis une décennie.

De part et d'autre: un sérieux déficit en matière de capacité hôtelière, handicap pour les promoteurs, avantage pour les vacanciers individualistes qui y voient le meilleur rempart contre les hordes envahissantes. A défaut de luxe maldivien, ces destinations proposent l'hébergement dans des unités où la qualité de l'accueil, souvent chez l'habitant, fait figure de privilège.

Autre point commun: deux lagons exceptionnels, émeraude et turquoise, virant au rose à marée basse.

Le plus africain des territoires français

A Mayotte, les femmes sont toujours vêtues du saluva, sorte de boubou local bariolé aux couleurs de leurs villages. Elles s'enduisent encore le visage d'un masque de terre jaunâtre, à la fois traitement de beauté et protection solaire. Moiteur tropicale, parfums capiteux, fruits en abondance, faune diversifiée et inoffensive comme le maki, adorable lémurien.

«Vous voulez voir des cétacés?» L'invitation émane de Sven, Breton d'origine, grand connaisseur du milieu marin. Des dauphins, des baleines? Patience: leur rencontre est de celles qui se méritent. Encore quelques bancs de sable à dépasser pour atteindre le sanctuaire où, durant la saison sèche, la baleine à bosse revient pour mettre bas et arbitrer les joutes des séducteurs rivaux. Soudain, le dos de l'énorme mammifère s'arcboute à moins de 30 mètres. Ce tableau fantastique se reproduira trois fois, prélude au ballet des dauphins. Ces derniers sont maintenant plus d'une centaine à s'ébrouer autour du bateau.

Un spectacle unique, et pourtant menacé. La seule véritable protection des richesses naturelles serait le maintien de l'île en l'état. Mais les aspirations des autochtones à passer de la génération coco à la génération Coca sont de celles qui s'annoncent imparables. Pour preuve: les actuelles échauffourées - contre la vie chère, notamment - qui agitent le chef-lieu Mamoudzou et plongent le Département dans un inquiétant désordre. Le réveil des vieux démons entre Mahorais et population blanche inciterait déjà certains résidants à fuir le lagon.

Rodrigues a du cœur

Dans cet espace de 18 kilomètres de long sur 8 de large, tout invite à prendre son temps: blondeur des champs cultivés en terrasses, criques désertes, jardins exubérants. Longtemps isolée du reste du monde (le premier atterrissage d'Air Mauritius ne date que de 1972) la communauté rodriguaise a développé une forme de résilience aux conditions de vie souvent difficiles, amplifiées par l'éloignement. Le plus naturellement, un sourire jovial illumine les visages, prélude à de savoureux palabres développés avec l'accent créole.

Les Rodriguais ont-ils hérité d'un lourd bilan écologique, lequel a vu la disparition de leur solitaire (cousin d'infortune du Dodo mauricien) et de nombreuses espèces endémiques, comme ces tortues géantes, jadis si nombreuses qu'il était possible de traverser une prairie entière sans mettre pied à terre, juste en sautant d'une carapace à l'autre. Considérant l'île comme un garde-manger providentiel sur la route des Indes, les marins de passage n'ont pas tardé à éradiquer l'espèce.

Aujourd'hui, une Fondation s'emploie à repeupler Rodrigues d'une race apparentée, à défaut de pouvoir ressusciter le spécimen original.

Les amateurs de plongée répertorient leurs spots préférés: Couzoupa, Trou zaiguille, Trou pirate, Coco fesse. Pour la simple baignade, il paraît que Trou d'argent a été classé parmi les trente plages les mieux préservées au monde.

Voilà bien la confirmation que Rodrigues mérite davantage qu'un sourire furtif de Chimène. Pour en saisir l'essence même, il faut accepter de décrocher. Et pas seulement son portable.

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