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Champions des assurances

Pourquoi les Suisses dépensent-ils autant pour les assurances privées? Et quels sont les défis que doit affronter ce secteur? swissinfo.ch a interrogé deux spécialistes.

29 janv. 2011, 08:02

«Le Suisse présente une propension à être sur-assuré. Il achète une police responsabilité civile ménage redondante par rapport aux polices de sa carte de crédit, il achète aussi des extensions multiples, bref, il a tendance à être assuré trois fois pour le même risque.»

Par son propos un tantinet provocateur, l'analyste financier de la Banque Bordier Loïc Bhend pointe une réalité. Les Suisses sont parmi les champions du monde en assurances. Selon une étude du réassureur Swiss Re, ils y consacrent 6257 dollars par an. Juste devant eux, les Hollandais déboursent 6554 dollars (2009).

Deux raisons à cette course dans le peloton de tête, explique Walter Ackermann, directeur de l'institut d'économie des assurances de l'Université de Saint-Gall. D'abord, le niveau de richesse économique. «Les gens tendent à dépenser davantage en assurance lorsqu'ils sont riches. Cela se vérifie plus ou moins pour tous les pays. D'autre part, en Suisse, l'industrie de l'assurance vie est largement imbriquée dans le système de sécurité sociale.»

Dans l'assurance accident par exemple, c'est le secteur de l'assurance privée qui organise une partie de ce système de sécurité sociale. Schéma comparable pour le 2e pilier, une prévoyance professionnelle qui s'ajoute aux rentes vieillesse (AVS) pour permettre aux retraités de conserver leur niveau de vie antérieur. «Et ça fait évidemment beaucoup d'argent», glisse Walter Ackermann.

Autrement dit, si les Suisses se signalent par leurs dépenses en assurance, c'est aussi parce que, comme le dit Loïc Bhend, «la Suisse connaît un plus grand transfert vers le secteur privé du 2e et du 3e pilier (prévoyance privée) que la moyenne des pays européens, où presque tout est du 1er pilier (assurance retraite étatique)».

Quoiqu'il en soit, ce «goût» de la population suisse pour l'assurance n'a aucune raison de se modifier, juge Walter Ackermann. Pour les assureurs, le taux de croissance des encaissements des primes pourrait régresser à l'avenir. Mais le professeur estime que la demande du consommateur n'y sera pas pour grand-chose.

En cause plutôt: la concurrence qui augmente dans le secteur, d'où pression sur le niveau des primes. Le consommateur doit donc payer moins pour une même couverture.

Reste qu'aujourd'hui, les dépenses d'assurances mangent environ 20% du budget de chaque ménage et que, sur le marché suisse de l'assurance, une concentration assez prononcée est de mise. «Nous avons plus de 130 compagnies d'assurances supervisées par les autorités mais la part de marché des cinq plus grandes se situe entre 60 et 80% du marché», indique Walter Ackermann.

Faut-il s'attendre à une révolution structurelle? Pas vraiment, selon Loïc Bhend. Les acteurs, de plus en plus internationalisés, sont stables et bien capitalisés, comme vient de le montrer le test de solvabilité du régulateur étatique (Finma). Un résultat «plutôt attendu», selon Loïc Bhend.

Contrastant avec les grandes manœuvres annoncées dans plusieurs pays européens, l'industrie de l'assurance en Suisse est mature et sa croissance n'a pas tellement de raison de croître beaucoup plus vite que la création de richesse, estime l'analyste financier.

Il ajoute que le régulateur suisse a pris de l'avance sur le futur régime européen en matière d'exigences de capital économique (solvency 2). «Du coup, les assureurs suisses ont commencé à se préparer avant les autres, ils sont mieux placés que la moyenne.»

Le changement de paradigme, avec des règles plus strictes imposées par les superviseurs est un des principaux défis pour l'industrie de l'assurance vie, confirme Walter Ackermann. Et l'environnement économique actuel n'arrange pas leurs affaires.

«Le niveau très bas des taux d'intérêt pèse sur les marges des assureurs vie», explique Loïc Bhend. «Ils doivent investir les primes encaissées et, en ce moment, obtenir un rendement suffisant sans prendre de risque est un vrai challenge. Pas évident dans ces conditions avec des taux à 1,5% de garantir les 2% du 2e pilier en assurance groupe».

«Si vous avez un levier de 5%, il est facile de garder 1% pour les frais administratifs», complète Walter Ackermann. «Mais avec des taux sans risque à 1,5%, il est difficile de vendre à vos clients que vous avez besoin de 1% pour vos coûts administratifs.» /PFB

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