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Vers une économie verte, mais au rythme de la limace

Le Conseil des Etats entre en matière sur un contre-projet indirect à l'initiative populaire des Verts, mais il entend en aplanir les aspérités.

19 sept. 2014, 00:01
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Au rythme de la limace se dirigeant vers une feuille de salade: tel est le modèle choisi par le Conseil des Etats pour faire avancer la Suisse vers une économie verte. Pas question pour lui en tout cas d'accepter l'initiative populaire des Verts "Pour une économie verte". Qualifiée d'utopiste et d'alarmiste, elle ne fait même pas peur, ses chances de succès en votation populaire étant jugées nulles. Dès lors, il a fallu en rabattre pour convaincre les sénateurs de lui opposer un contre-projet indirect. Celui-ci sera élagué afin de mieux tenir compte des intérêts de l'économie.

L'initiative vise la mise en place d'une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources. Jusque-là, elle met tout le monde d'accord. Mais dans ses dispositions transitoires, elle demande de ramener l'empreinte écologique de la Suisse à un équivalent planète, et ce d'ici à 2050. Aujourd'hui, la Suisse en est à trois équivalents planètes. Cela signifie que si tous les pays du monde consommaient autant de ressources naturelles que la Suisse, il faudrait trois planètes comme la Terre pour y pourvoir.

"Sornettes d'alarme"

A droite, on n'y goûte guère: "Cette initiative est un savoureux cocktail de taxes, de règlements et de bureaucratie, un breuvage apprécié par certains, mais qui se révèle un perfide poison pour notre économie" , critique Raphaël Comte ( PLR/NE ). Quant à Filippo Lombardi ( PDC/TI ), il en a marre du catastrophisme ambiant: "Lorsque les sonnettes d'alarme deviennent des sornettes d'alarme, cela devient contre-productif."

Mais c'est surtout du contre-projet du Conseil fédéral dont il a été question hier. Celui-ci vise une consommation plus écologique, le recyclage des matériaux de valeur et une meilleure information sur la préservation des ressources. C'en est déjà trop pour nombre d'élus de droite qui préfèrent miser sur des mesures librement consenties par les entreprises, un moyen qui a déjà permis à la Suisse de réaliser des progrès considérables dans ce domaine. "Nos entreprises, en particulier les PME, seraient une de fois de plus désavantagées face à la concurrence étrangère", craint René Imoberdorf ( PDC /VS).

Pour son collègue de parti Konrad Graber aussi, "le texte de loi proposé va trop loin". Mais pour éviter son rejet pur et simple, le Lucernois a proposé de le renvoyer en commission, avec pour mission d'en élaguer une bonne part et de se recentrer sur le domaine de l'économie des déchets et la consommation des matières premières jugées particulièrement importantes du point de vue écologique.

Une attitude timorée que Robert Cramer peine à comprendre. Le vert genevois a rappelé que, lors de la consultation, un seul canton s'était prononcé en défaveur du contre-projet du Conseil fédéral, et même que 20 des 26 cantons lui ont reproché de ne pas aller assez loin. "Nous sommes la Chambre des cantons et pas celle d'Economiesuisse" , a-t-il lancé.

Selon Luc Recordon ( V ert /VD ), on peut discuter des moyens et de la date à laquelle atteindre un équivalent planète comme empreinte écologique, mais pas de l'objectif en tant que tel. Pour prétendre le contraire, "il faut être brouillé avec le principe de réalité ou décider que nous faisons cyniquement notre prospérité sur le dos de nos enfants et petits-enfants".

Champions en déchets

La conseillère fédérale Doris Leuthard s'est aussi évertuée à défendre son contre-projet. "Oui, nous sommes très bons en matière de recyclage" , a-t-elle reconnu. "Mais avec 700 kg de déchets par personne et par an, nous sommes de loin ceux qui en produisons le plus en Europe. Seuls les Américains en ont encore un peu plus."

Au final, le Conseil des Etats a accepté d'entrer en matière sur ce contre-projet. Mais il s'en est fallu de peu (24 voix à 20). Sans doute la proposition de renvoi en commission avec mission d'élagage, largement acceptée ensuite, a-t-elle été décisive dans ce choix. C'est dire que s'il survit à la moulinette parlementaire, ce contre-projet risque d'être fort peu contraignant au final.

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