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«Une autorité court toujours le risque d'être instrumentalisée»

15 juil. 2011, 10:04

S'il existait une controverse économique de l'été, celle de cette année en Suisse porterait sur l'application difficile de la décision du groupe Swatch, prise en 2009 déjà, de ne plus livrer les marques horlogères concurrentes. La Commission de la concurrence (ComCo), émanation du Département fédéral de l'Economie et composée d'experts indépendants, est prise à partie. Entretien avec Vincent Martenet, professeur de droit à l'Université de Lausanne et président de la ComCo depuis tout juste un an.

Que vous inspire le dossier Swatch-ETA?

C'est une situation délicate pour la ComCo. Des intérêts privés sont mêlés aux intérêts liés au fonctionnement du marché, sur lesquels nous intervenons. Une autorité court inévitablement le risque d'être instrumentalisée par les parties opposées.

C'est-à-dire? Ce n'est pas qu'un risque, c'est déjà une réalité.

D'une part, le groupe Swatch s'adresse à nous pour obtenir une sorte de légitimité officielle dans sa décision de ne plus livrer ses concurrents en composants. D'autre part, les clients de Nivarox ou d'ETA s'appuient sur nous en se disant que la ComCo va de toute manière les protéger. Nous devons travailler hors de ces pressions et de ce double risque d'instrumentalisation.

Vous comprenez les réactions des marques clientes, ou des établisseurs comme Sellita, aux mesures provisionnelles récemment publiées?

Oui, mais nous devons être clairs. Il y a un double message dans ces mesures. Le groupe Swatch a annoncé en 2009 qu'il ne voulait plus livrer ses concurrents, et il semble évident qu'un statu quo éternel est une issue peu probable. D'où la décision de lui donner la possibilité de commencer de réduire ses livraisons dès l'an prochain, dans les faibles proportions que nous avons indiquées. C'est le deuxième message: les clients concernés doivent prendre des dispositions sans tarder. Bien que toutes les possibilités restent ouvertes tant que la commission n'a pas statué sur la base de l'enquête menée par son secrétariat, il est envisageable que l'on s'achemine vers une solution comparable à celle des ébauches il y a dix ans. C'est-à-dire un échelonnement. D'ici-là, il ne faut pas que les entreprises se contentent d'attendre.

Quand viendra la décision?

Dans 12 à 18 mois, selon que nous trouvons ou non un accord avec la direction de Swatch. L'affaire est complexe, avec des situations de concurrence assez différentes selon les composants. Combien de temps faut-il pour que les célèbres spiraux de Nivarox aient des équivalents sur le marché? Ce n'est pas évident à déterminer, et ce sera un point central de notre analyse.

Comment expliquez-vous que des spin offs n'aient pas été créés au fil des ans dans ce domaine, par des techniciens de ETA? Il y a des clauses de non-concurrence importantes dans les contrats de travail?

Je ne peux pas vous répondre. Cet aspect fait partie des éléments que nous devons examiner. L'enquête inclut la question d'éventuelles barrières à l'entrée sur le marché. Je peux aussi vous dire que le fait qu'une entreprise dominante soit obligée de livrer ses propres concurrents ne serait pas une spécificité suisse. Mais ce n'est pas très sain sur le long terme du point de vue du marché. Il est en principe préférable qu'il y ait des alternatives dans l'approvisionnement.

Quel bilan faites-vous de l'expérience des ébauches?

Des entreprises comme Sellita ou Soprod ont joué le jeu en investissant rapidement de manière significative. Il existe aujourd'hui de nouvelles alternatives aux ébauches d'ETA, même si elles restent encore insuffisantes quantitativement.

Comment situez-vous la Suisse par rapport aux autres pays du point de vue de l'efficience du marché intérieur?

Je pense que la Suisse est aujourd'hui très proche de la moyenne. Pour ce qui est de la prise en compte du droit de la concurrence par les entreprises, nous sommes là aussi à niveau. Les entreprises savent qu'il y a certaines choses qu'elles ne peuvent pas faire parce qu'il existe un régulateur.

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