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Un marathon à l'issue incertaine

07 sept. 2011, 09:05

C'est l'arme ultime, celle que tout le monde attendait tout en redoutant ses effets incertains. Hier, la Banque nationale suisse (BNS) a choisi l'opposition frontale avec les marchés en fixant un cours plancher de 1,20 franc pour un euro. Une mesure maintes fois évoquée comme la dernière chance pour soulager l'économie suisse des méfaits du renchérissement de la monnaie. Le cours plancher a le premier mérite de lever une part d'incertitude, le premier ennemi des investisseurs, mais aussi des exportateurs. La situation est vouée à durer, puisque tout indique qu'une telle mesure contre le pari spéculatif n'est efficace que si sa dimension temporaire est occultée.

C'est en effet une épreuve d'endurance qui vient de s'engager entre la BNS et les marchés. Fixer un cours plancher à 1,20 euro représente une première partie pour le moins facile à mettre en place pour la BNS. L'effet d'annonce a été indéniablement très largement répercuté sur les marchés: l'indice SMI des valeurs vedettes a fini sur un gain de 4,36% à 5367,24 points et l'indice élargi SPI de 4,04% à 4880,64 points. Une décision qui, par le seul pouvoir dissuasif de son annonce, a la capacité de rompre le mécanisme spéculatif de refuge dans le franc.

Une dimension «tragique»

Arriver à maintenir ce plancher sera en revanche la deuxième partie la plus compliquée de l'opération. Il y a naturellement une dimension littéralement «tragique» à la situation qu'affronte la BNS. Une mesure aussi exceptionnelle ne peut être prise qu'en période exceptionnelle, lorsque toutes les solutions conventionnelles sont épuisées et que l'environnement devient particulièrement menaçant. Or, rien ne garantit que ce degré de menace n'est pas déjà devenu trop élevé pour la seule BNS.

Il est vrai que les banques centrales affrontent (presque) toutes des problèmes de même nature: un ralentissement prononcé de la croissance cumulé à une hausse de l'inflation. Mais l'interprétation de ces deux indicateurs varie sensiblement d'une économie à l'autre, comme le rappelait début de semaine Marion Laboure, de Barclays Capital. Alors que la Banque centrale européenne (BCE) a resserré sa politique monétaire, la Fed (la banque centrale américaine) a choisi de l'assouplir et de ne pas exclure un éventuel QE3 (un troisième cycle d'assouplissements quantitatifs). A quelques jours du troisième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, les craintes d'une répétition de la crise de 2008 sont dans tous les esprits. La frontière devient de plus en plus ténue entre le ralentissement conjoncturel et le démarrage d'une nouvelle récession mondiale.

De nombreux feux sont allumés autour de la Suisse depuis plusieurs mois. L'instabilité en zone euro entraîne les convulsions répétées sur les marchés depuis cet été. Les doutes sur la solidité du secteur bancaire européen, de forts «spreads» sur les obligations souveraines et, plus récemment, l'inéluctable défaut qui attend la Grèce pèsent comme une épée de Damoclès au-dessus de la BNS. En considérant le contexte actuel, peut-on douter de la pleine indépendance avec laquelle la BNS a pris sa décision, comme s'est empressé de l'assurer hier la BCE? Le doute est toujours possible. Pour l'ancien gérant de Hedge fund Bruce Krasting, il est indéniable que le directoire de la BNS a agi sous la pression de la BCE. Une intervention sur la monnaie ne peut, selon lui, fonctionner qu'à condition d'être le fruit d'une coordination entre banques centrales.

Dans un tel contexte, la BNS pourra-t-elle tenir longtemps son plancher? D'autres décisions seront-elles rapidement nécessaires? Des mesures complémentaires seront sans doute rapidement indispensables, mais cela dépendra tout d'abord de l'ampleur des entrées de monnaie que la BNS aura à gérer.

Deux types de risque

Fixer un cours plancher comporte deux types de risque. Chef économiste auprès de la banque Pictet & Cie, Bernard Lambert écarte le premier risque d'accélération de l'inflation, qui reste encore très faible en Suisse. Les prix à la consommation ont continué de baisser en août, de 0,3% par rapport à juillet. En rythme annuel, l'inflation n'est que de 0,2%. Le deuxième risque résiderait dans un afflux massif de capitaux en Suisse. Il faudrait alors prendre des mesures pour contrer ces entrées, à l'aide de toute une série d'outils dissuasifs (taux négatifs, interdictions d'acheter des titres suisses, etc.).

Le principal danger viendra donc de la zone euro. Opter pour un plancher s'avérera d'autant plus coûteux pour la BNS que cette dernière a décidé de lutter contre le renchérissement du franc au moment où ce n'est rien moins que la survie de l'euro qui se jouera au cours des prochains mois. In fine, l'alourdissement du bilan de la BNS aura une conséquence inévitable sur les équilibres budgétaires des cantons, qui doivent se préparer à vivre durablement sans la manne de la redistribution.

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