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Rafaa Chtioui, le Tunisien qui déchante

Un ancien vice-champion du monde devenu anonyme du peloton.

07 avr. 2011, 11:33

Sur les vieux quais du port d'Anvers, le soleil et la température se veulent estivaux en ce mercredi matin d'avril. Encouragés par la douceur du climat, les badauds sont nombreux à s'être déplacés. Une heure et demie avant le départ, ils guettent déjà l'arrivée des coureurs engagés sur le Grand Prix de l'Escaut. Leur préférence va évidemment aux stars du peloton, à commencer par l'idole locale Tom Boonen.

Quand arrive le camping-car de la petite équipe italienne Acqua & Sapone, on est loin de l'effervescence qui entoure les luxueux cars climatisés des formations du sprinter belge ou de Fabian Cancellara. A l'étroit au milieu de ses six autres coéquipiers, Rafaa Chtioui est le premier à descendre du véhicule. Quelques fans de vélo s'approchent pour faire une photo ou lui demander un autographe. Il s'exécute. Avec la timidité et la gentillesse qui le caractérisent. Un cliché datant de 2004, où on le voit en train de croquer sa médaille d'argent des championnats du monde juniors, rappelle son glorieux passé. Et une vie peu banale.

Juste derrière Kreuziger

«On m'a repéré le jour où j'ai pris le départ d'une course organisée par la Fédération tunisienne. Sans m'être spécialement entraîné, j'ai gagné. Juste grâce au talent. J'ai commencé à aimer le vélo, j'ai aligné les kilomètres, puis je suis arrivé au Centre mondial du cyclisme (CMC) à Aigle. C'est là le vrai départ», se remémore-t-il. Convaincu par les qualités du jeune maghrébin, l'entraîneur Daniel Gisiger le prend alors sous son aile. La confirmation de son talent ne tarde pas. Sur le Tour du Pays de Vaud 2003, il dégoûte déjà tout le monde. Un an plus tard à Vérone, il se retrouve sur le podium mondial aux côtés de Roman Kreuziger et Simon Spilak. C'était il y a presque sept ans...

Aujourd'hui, pendant que le Tchèque et le Slovène, vainqueurs des deux derniers Tours de Romandie, collectionnent les bouquets, Chtioui brille par sa discrétion. Après des années d'errance durant lesquelles il a failli tout plaqué, il a tenté sa chance... au Qatar, avec le Doha Team. Des années difficiles qui ont marqué le jeune professionnel (25 ans), qui est revenu en Europe au début de la saison 2010. «J'ai beaucoup appris ces dernières saisons, concède-t-il avec pudeur. Cela m'aide à avancer. Aujourd'hui, je travaille et je regarde devant moi, pas derrière.»

Le poids de l'exception

Son futur, Chtioui l'imagine volontiers sur les grands tours ou sur les classiques comme Paris-Roubaix - qu'il a fini l'an passé, mais pour lequel son équipe n'a pas été invitée cette saison - ou mieux sur Milan-San Remo, une course qui le «fait rêver» mais dont il a été privé ce printemps à cause d'une vilaine chute (réd: 15 points de suture à l'arcade sourcilière gauche). Une malchance qui s'acharne puisque hier, Chtioui a chuté sur sa clavicule gauche à 25 km de l'arrivée...

Avant de se préoccuper de son avenir - «On verra où me mènera le destin», lâche-t-il -, le Tunisien se satisfait de sa situation actuelle. «Il n'est pas facile de trouver une place de professionnel. J'ai de la chance. Je suis le seul Africain du peloton. Je peux être content de ma carrière», estime-t-il.

Malgré de solides épaules (1m90, 78 kg), le poids de l'exception est dur à porter. Musulman pratiquant, Chtioui a des rites qui surprennent dans un milieu peu habitué à voir un coureur sortir son tapis de prière ou refuser les massages! Un décalage, couplé à cet effacement naturel, qui a freiné son développement. Avec la maturité et son entrée dans le milieu professionnel, le sympathique Tunisien a perdu l'innocence et l'insouciance de ses débuts. Loin des siens qui lui manquent tant - «L'éloignement, c'est ça le plus dur», avoue-t-il -, il sourit toujours. Mais derrière ce bonheur trompeur, on perçoit un homme désorienté qui, en quelques années, a perdu une bonne partie de ses illusions.

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