Las, il ne dessinera plus, il ne sculptera plus… Alois Dubach nous a quitté·es voilà quelques jours. Artiste discret, de peu de mots, imperméable à tout compromis qui le ferait dévier de sa création, ennemi déclaré de l’esthétique facile, malicieusement incorruptible, il nous laisse une œuvre singulière où la dérision le dispute sans cesse à l’élévation.

Farouche autodidacte

Né à Lucerne, en 1947, Dubach fréquente une école d’architecture qui, à défaut de lui apprendre un métier, le forme au dessin technique et, surtout, le sensibilise à l’espace, notion clé de l’œuvre à venir. En parfait et farouche autodidacte, il crée ses premières sculptures à la fin des années 1960. D’aucuns s’empressent alors de le classer dans la catégorie des minimalistes ou l’assimilent aux artistes conceptuels. Au gré de sa carrière, il n’aura de cesse de faire valser ces étiquettes réductrices.

Dans un premier temps, Dubach privilégie de façon admirable les volumes fermés en acier Corten, qui a la faculté de rouiller plus vite que son ombre. Puis il fausse compagnie à leur monumentalité, lui préférant la légèreté des tubulures et de l’inachevé mélancolique. Ce qui reste comme point commun, c’est la manière dont toutes ses œuvres se rient du concept dont elles semblent pourtant porteuses.

Dans ses dernières années, atteint par la maladie, Dubach ne s’adonne plus qu’au dessin, qui constitue une part majeure et remarquable de sa création. Jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, il fait tanguer en virtuose sur le papier des figures géométriques avides d’échapper au déterminisme de la forme.

Revisiter l’œuvre

Certes l’artiste s’en est allé, mais l’œuvre demeure. Pour celles et ceux qui aimeraient la (re)découvrir, plusieurs de ses pièces maîtresses persistent et signent dans la région neuchâteloise, libres d’accès et de regard.

A commencer par l’ironique et sublime «Épigramme» qui feint toujours de s’écrouler dans la caserne de Colombier. Non loin du cimetière de Beauregard à Neuchâtel, danse toujours «Sans titre», un ensemble sculptural secrètement habité par le désir de déséquilibre.

A la fois monumentale et mystérieusement intime, une autre pièce «Sans titre» déjoue malicieusement l’espace un brin austère de la place de la Carmagnole, à La Chaux-de-Fonds. Cette visite éparse, qui montre combien l’art de Dubach est à même de donner un supplément d’âme aux lieux les plus quelconques, trouve son apothéose à quelques encablures de là, dans l’église du Sacré-Cœur, où Alois a laissé à notre souvenir ému une croix à nulle autre pareille.

L’endroit rêvé pour lui dédier quelques pensées.

Valangin: le sculpteur Alois Dubach s’en est allé

Le sculpteur de Valangin Alois Dubach s’en est allé. Hommage à un artiste rare dont les créations jalonnent notre région.