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Des lames de microscope avant-gardistes

Les lames en verre utilisées pour les analyses médicales n’ont quasi pas évolué en 200 ans d’existence. Deux chercheurs neuchâtelois ont mis fin à cet oubli. Résultat: une luminosité augmentée jusqu’à 25 fois, très utile pour la microscopie à fluorescence. Et l’espoir de détecter des maladies graves à un stade plus précoce.

25 juin 2020, 05:30
Raphaël Barbey et Nicolas Descharmes, fondateurs de Luminesys, viennent de mettre au point une lame de microscope qui, espèrent-ils, permettra de détecter des maladies comme le cancer ou Alzheimer beaucoup plus tôt.

«Où va la lumière? C’est par hasard que nous nous sommes posé cette bonne question. Très peu de monde se l’était posée avant.» Raphaël Barbey et Nicolas Descharmes ont le succès modeste. Les deux jeunes scientifiques viennent de mettre au point une lame de microscope révolutionnaire. Utilisée par millions dans le monde pour des analyses médicales, cette petite plaque de verre a le principal défaut de garder pour elle 70% de la lumière. Le chimiste spécialisé dans les matériaux et l’ingénieur spécialisé dans l’optique ont alors développé une nouvelle version de l’objet, dotée d’une structure par couches et doublée d’un traitement de surface chimique, capable d’améliorer jusqu’à 25 fois la luminosité des marqueurs fluorescents. De quoi, envisagent-ils, détecter des maladies comme le cancer ou Alzheimer beaucoup plus tôt.

Une situation parfois problématique

Prenez deux scientifiques curieux, tous deux docteurs et dotés de compétences complémentaires. Placez-les dans un laboratoire et confrontez-les à un problème que personne ne leur avait demandé de résoudre. Laissez mijoter quelques années et vous obtenez Luminesys. «On s’est rencontrés en 2015 dans une entreprise de la région», détaille Nicolas Descharmes, diplômé de l’Université de Rennes et de l’EPFL. «Lors de nos études et précédentes expériences professionnelles, nous avions tous deux été confrontés à des problèmes de quantité de lumière pendant nos analyses en fluorescence.» 

Une très grande partie des analyses médicales fonctionnent en effet avec des marqueurs fluorescents. Ainsi artificiellement colorée, une coupe de tissu (biopsie) ou un fluide corporel (sang, salive, urine) révèle la présence de certaines molécules dans une teinte bien précise, une fois éclairée. Or, l’intensité de cette lumière reste souvent très faible, ce qui peut empêcher l’établissement d’un diagnostic fiable. «Aujourd’hui, il peut arriver que l’on soit dans une situation où il est compliqué de dire oui ou non à un test» décrit Raphaël Barbey, diplômé de l’EPFL et actuellement employé du CSEM. «Si on se retrouve avec un nombre de molécules à la limite de notre capacité de détection, la situation devient problématique.»

Une fluorescence décuplée

En 2017, le binôme revient donc à l’EPFL avec l’idée du projet. Le laboratoire d’Optique et de Photonique, à Neuchâtel, leur ouvre grand les bras. Un accueil très vite complété par un premier financement de la fondation Gebert Rüf. «Le problème fondamental que nous devions résoudre était: comment arriver à un résultat probant avec moins de molécules fluorescentes, donc avec moins de lumière?», observent en cœur les deux scientifiques. Qui avancent alors à tâtons: «Depuis les années 1950, le microscope a beaucoup évolué. Les sources lumineuses, les objectifs et les caméras: tout a été progressivement optimisé. Sauf les lames, qui n’ont pas bougé depuis 200 ans ou presque!»

Après trois ans de recherche, Nicolas Descharmes et Raphaël Barbey apportent enfin la solution. «Le revêtement empêche la lumière de partir dans le verre et la fluorescence en est décuplée», se réjouissent-ils. Une avancée considérable, qui, espèrent-ils, permettra non seulement de détecter des maladies parfois mortelles à un stade précoce, mais également de développer de nouvelles applications telle que le multiplexage, c’est-à-dire l’usage simultané d’une multitude de marqueurs fluorescents, de manière à étudier, par exemple, l’environnement biologique des tumeurs.

Aujourd’hui, si la technologie a été inventée et mise au point dans l’antenne neuchâteloise de l’EPFL, c’est au CSEM que les lames sont produites. «C’est une nouvelle dimension qui s’ouvre avec cette collaboration, explique Raphaël Barbey. Nous passons de la recherche académique à une phase de pré-industrialisation.» Prochaine étape: créer une société. «Le montant du prix, si nous le gagnons, va nous permettre notamment de recruter un talent dans le marketing et la vente», précise Nicolas Descharmes. Car même si l’invention est spectaculaire, la résistance pourrait venir de là où on ne l’attend pas: «Nos clients sont, par exemple, les instituts de recherche, les laboratoires d’analyses médicales, les hôpitaux et l’industrie pharmaceutique. La difficulté majeure sera de convaincre tous ces utilisateurs de modifier leurs habitudes, et ce n’est pas facile. Le monde du diagnostic médical est – et heureusement – un milieu particulièrement conservateur. A nous de les persuader des bénéfices de notre approche.» La conquête des marchés promet une autre aventure!

 

Deux traitements pour un résultat optimal
Le secret de fabrication de la nouvelle lame de microscope développée par Luminesys réside dans deux traitements:
Le traitement optique, réel cœur de l’innovation: il consiste en une structure novatrice en mille-feuilles, composée de différents matériaux. La nature de ces derniers reste un secret. Cette nouvelle lame a la capacité de contrôler l’environnement électromagnétique autour de l’échantillon, ce qui permet d’amplifier et de diriger la lumière émise par celui-ci en direction du détecteur. Ce traitement fait l’objet d’une demande de brevet.
Le traitement chimique: il s’agit d’un traitement de surface qui permet d’introduire des fonctionnalités qui sont nécessaires pour faire l’interface entre la couche optique et les échantillons à observer.

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