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Médias: vers la création d’un label «AOC» pour les articles de qualité?

Quand on recherche une bonne bouteille de vin, on a tendance à se fier à l’étiquette. Ce pourrait bientôt être le cas pour les articles des médias, avec le label de qualité que veulent créer le groupe de presse ESH Médias, qui édite «ArcInfo», et la HES-SO Valais Wallis.

08 nov. 2019, 08:00
Sébastien Hersant (à gauche) et Laurent Sciboz sont du même avis: les contenus originaux des journaux régionaux doivent être mis en valeur sur internet.

La presse est en plein bouleversement. Les gens perdent confiance dans ce qu’ils lisent sur le web. Les informations sont disponibles en un clic et les «fake news» ont envahi les réseaux sociaux. Dans ce contexte, les médias traditionnels doivent redoubler d’efforts pour se distinguer.

En collaboration avec la HES-SO Valais Wallis, ESH Médias, propriétaire notamment des titres «ArcInfo», «Le Nouvelliste» et «La Côte», lance un projet pour créer un label qui met en avant la qualité du travail journalistique. Les recherches, qui s’insèrent dans le cadre de l’Initiative pour l’innovation dans les médias (voir l’encadré), ont commencé en octobre.

Interview croisée de Sébastien Hersant, directeur de la transformation digitale du groupe de presse, et Laurent Sciboz, responsable de l’Institut d’informatique de gestion de la haute école à Sierre.

Vous allez travailler ensemble sur la création d’un label destiné aux articles de journaux. Quel est le but de ce partenariat?

Sébastien Hersant: On veut mettre en place une technologie qui détecte les contenus journalistiques et originaux. C’est-à-dire des articles exclusifs aux médias, que l’on ne retrouve pas ailleurs. Cela exclurait donc les dépêches d’agence qui ne répondent pas à ces critères. Nos contenus ont de la valeur ajoutée. On veut permettre aux internautes d’identifier facilement le travail des journalistes.

Le label, c’est comme une étiquette de bon vin.
Laurent Sciboz, responsable de l’Institut d’informatique de gestion de la HES-SO Valais Wallis

Laurent Sciboz: L’objectif numéro 1, c’est de mettre en avant la qualité du métier de journaliste. On veut avoir un label professionnel, qui atteste l’authenticité d’un contenu. Si ça se met en place, on pourrait se retrouver dans des notions d’appellations d’origines contrôlées. C’est comme une étiquette de bon vin. On ne s’occupe pas du contenu, ni de comment c’est vinifié, mais on apporte une étiquette digitale certifiée.

Où le lecteur retrouvera-t-il ce label?

Sébastien Hersant: Le but est de rendre ce label visible partout sur le web, pas seulement sur les sites des médias. A terme, on aimerait que Facebook, Twitter et Google l’affichent sur leurs plateformes. On pourrait alors distinguer nos contenus d’autres publications non vérifiées, des «fake news» par exemple.

Laurent Sciboz: Une fois partagé sur les réseaux sociaux, le label d’authenticité accompagnera toujours l’article. En le voyant par exemple sur un post Facebook, le lecteur pourra se dire: «ah ça, c’est quelque chose d’original.»

Et il y gagne quoi concrètement?

Sébastien Hersant: Sur son fil Facebook, on est noyé dans la masse d’informations. En apercevant le label, le lecteur pourra tout de suite savoir qu’il peut se fier à ce contenu-là, car les informations ont été vérifiées par un journaliste professionnel, et son angle, son traitement, est unique.

Les objectifs du groupe ESH Médias sont principalement axés sur l’acquisition de nouveaux abonnés. Avec ce projet, vous comptez attirer de nouveaux lecteurs?

Sébastien Hersant: L’intérêt, c’est d’abord de renforcer le lien avec les lecteurs. On a besoin de mettre en avant les contenus faits par nos équipes rédactionnelles pour que le lecteur perçoive la richesse des informations locales. Comprendre que s’abonner à son titre local, c’est aussi soutenir cette diversité d’informations.

L’intérêt, c’est d’abord de renforcer le lien avec les lecteurs.
Sébastien Hersant, directeur de la transformation digitale de ESH Médias

Laurent Sciboz: Le but est aussi de monétiser. On ne veut pas que tous les revenus publicitaires et les salaires partent dans des multinationales comme Facebook. En Suisse, selon une étude de Publicom, 1,6 milliard de francs ont disparu en une année dans la masse publicitaire.

Sébastien Hersant: Oui, la publicité, qui a longtemps été la source de revenu principale pour les médias, a tendance à décliner. Et c’est encore plus vrai sur le numérique, où elle est complètement aspirée par les GAFA (Google, Facebook, Amazon et Apple). D’où l’importance d’associer de nouveau contenu local de qualité avec la monétisation.

Et votre label pourrait aider à contrecarrer la tendance?

Laurent Sciboz: Au niveau international, un projet de ce type, le «Trust Project» (voir l’encadré), a donné des résultats très encourageants aux Etats-Unis et dans les milieux anglophones. On aimerait faire la même chose à un niveau plus local. Les médias suisses ne doivent pas manquer ce train qui est déjà en marche.

A terme, vous espérez donc l’étendre à d’autres médias?

Sébastien Hersant: Le label doit être neutre et utilisable par tout le monde. Plus il y aura d’acteurs qui l’utiliseront, plus il sera efficace. L’idéal serait qu’il soit adopté par tous les médias francophones. S’il ne reste qu’à notre échelon, il manquera forcément de pertinence.

Le «Trust Project», un modèle international

Rétablir la confiance entre les médias et le public est une priorité non seulement en Suisse, mais dans le monde entier. Des projets internationaux cherchent à améliorer la transparence et à mettre en œuvre des labels de qualité. Parmi eux, le «Trust Project», lancé en 2017 et regroupant 125 médias. On retrouve notamment la BBC, le «Washington Post», «The Economist» mais aussi des journaux italiens comme «La Repubblica» et «La Stampa».

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Le principe est simple: chaque contenu est évalué automatiquement selon huit indicateurs de confiance, dont les sources locales et le type de travail journalistique. Si les critères sont remplis, le «Trust Mark», un logo numérique, s’affiche sur l’article. Facebook et Google News utilisent d’ores et déjà ces indicateurs pour trier les informations.

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