Plusieurs collectivités publiques romandes ont fait des emprunts auprès de la Fédération internationale de football (Fifa), révélait la RTS lundi. Rien qu’en 2022, la Ville de Genève a emprunté 150 millions, le canton de Neuchâtel 100 millions et la Ville de Lausanne 40 millions de francs.

Fribourg, la Chaux-de-Fonds ou encore Berne sont également concernées. Cette dernière a emprunté 1,8 milliard sur les cinq dernières années. La Fifa a octroyé ces prêts sans frais et sans intérêts.

Mark Pieth (DR).

Pour l’expert en lutte contre la corruption et professeur de droit pénal Mark Pieth, ces opérations sont problématiques.

«Cela augmente la dépendance de la Suisse à la Fifa. Celle-ci est accusée de corruption, elle est à l’origine de maints scandales. Les autorités devraient davantage la surveiller, pas lui demander des financements», dénonce-t-il.

Il relève que les fédérations sportives, taxées comme des associations et non comme des entreprises, paient peu d’impôts.

Plate-forme Loanboox

Ces prêts aux collectivités publiques, via la plate-forme Loanboox, étaient connus du milieu, selon le professeur Mark Pieth, étonné que la FINMA n’y ait pas mis son nez.

Contactée par nos soins, l’Autorité de surveillance des marchés financiers précise que ni la Fifa, ni Loanboox ne disposent d’une autorisation en tant que banque ou pour d’autres services financiers soumis à autorisation. «La qualification d’une activité bancaire dépend en premier lieu de l’acceptation de dépôts du public», souligne Vinzenz Mathys, porte-parole.

De manière générale, l’octroi de crédits sans autorisation est possible, indique la FINMA. De quoi faire bondir Mark Pieth. «J’ai vraiment des doutes que cela s’applique dans ce cas. Octroyer des crédits à titre professionnel comporte des risques», relève-t-il.

Le prêt de plusieurs dizaines de millions de francs de la Fifa aux collectivités publiques représente-t-il ou non une activité bancaire? La FINMA a refusé de répondre à nos questions spécifiques sur la FIFA et la plate-forme Loanbox.

Elle affirme que les personnes et les sociétés doivent généralement être soumises à la loi sur le blanchiment d’argent en cas de prêts à grande échelle. Mais il y a des exceptions: notamment lorsque les prêts sont accordés sans intérêts ni frais.

Interpellation déposée

Côté politique, les révélations ont fait réagir les autorités. Les responsables des finances de Neuchâtel et de Lausanne ont déclaré qu’ils ne feraient plus ce type d’emprunts, invoquant notamment les récentes critiques autour de la Coupe du Monde au Qatar.

Rien de tel à Genève pour l’instant.

L’affaire risque bien d’agiter les conseils délibératifs. A Lausanne, les Verts libéraux demandent dans une interpellation déposée ce mardi de «faire toute la lumière sur les emprunts contractés par la Ville auprès de la Fifa». Ils réclament une transparence de ces processus.

«Dans un monde financier globalisé et avec une Ville qui se dit vouloir exiger des standards élevés en matière de droits humains et d’environnement, il serait temps de mettre en route une réflexion éthique autour des emprunts contractés par notre collectivité publique», écrit ainsi l’élue Virginie Cavalli.

Sophie Dupont, Le Courrier

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