Au regard de son œuvre immense, le Marseillais Robert Guédiguian est un cinéaste aussi lucide qu’essentiel à notre bonne santé mentale. Dans son dernier film en date, le réalisateur de «Marius et Jeannette» et autre «Gloria Mundi», qui vient de fêter ses 70 ans, fait vœu d’optimisme et nous explique pourquoi. Entretien.

Quelle a été la source d’inspiration du film?

Le réel! Il y a eu cet effondrement à Marseille des immeubles insalubres de la rue d’Aubagne, qui me semblait être symboliquement l’effondrement du monde où nous vivons. Et je me suis dit, face à cet effondrement, ou plutôt malgré lui, il faut que la fête continue. C’est-à-dire la vie conçue comme une fête, dans un sens presque révolutionnaire, sous toutes ses formes, politique mais aussi amicale, amoureuse… A cela, s’est ajoutée l’histoire de Michèle Rubirola, cette femme médecin qui s’est présentée contre son gré à la mairie de Marseille. L’union de la gauche ne se faisant que sur son nom, elle y est allée à son corps défendant, et elle a gagné. Et quand elle a gagné, elle a laissé le pouvoir, parce qu’elle n’en avait pas le goût.

En effet, malgré l’effondrement, le film frappe par sa vitalité joyeuse…

C’est très volontariste. La preuve, j’ai décidé de son titre avant d’écrire la moindre ligne! J’avais besoin de montrer moi-même, ou de voir en tant que spectateur, des comportements justes. En regard de l’état de notre société, j’ai envie de voir de la beauté et de la grandeur d’âme, des gens qui, à l’exemple de Rosa, mon personnage, tentent de faire le bien autour d’eux en permanence. Il y a des gens exceptionnels partout. Montrons-les. Pour moi, ce n’est même plus de la politique, mais une question de survie psychique et intellectuelle.

… Je suis comme un enfant devant le sapin de Noël…

Pourquoi avoir opté pour une fin ouverte?

Pour ma part, ce que je trouve intéressant, c’est le moment où les décisions se prennent. Ce qui se passe ensuite m’intéresse moins. Oui, j’aime tous ces moments de vérité, comme suspendus, où mes personnages se retrouvent face à un choix possible. Ils pourraient faire autre chose, mais ils choisissent de faire ce qui a du sens pour d’autres qu’eux. Au fond, je montre le moment où ils décident de ne pas céder à l’égoïsme, mais d’être altruistes.

On retrouve dans le film «la troupe» de Guédiguian, comment la dirigez-vous?

Que ce soit Darroussin, Meylan ou Ascaride, le texte est là… Eventuellement, on discute, s’ils·elles veulent dire une phrase autrement. En revanche, il y a une chose qui n’est, je crois, pas si fréquente que ça dans la manière de faire: je travaille toujours sur leur proposition. Il ne s’agit jamais de répétitions. C’est-à-dire qu’ils·elles ont un scénario, des dialogues, et ils·elles me font une proposition. On arrive le matin, je m’assois presque les mains dans les poches et je dis «allez-y». Je suis comme un enfant devant le sapin de Noël, qui attend les cadeaux. Je n’ai aucun rapport de force, d’ailleurs je déteste ça… Profondément, je pense qu’il ne faut pas dire à un·e acteur·trice ce que l’on veut. D’ailleurs, on ne sait pas exactement ce que l’on veut.

«Et la fête continue»: la sortie ciné de la semaine à ne pas rater

Bientôt retraitée, une femme engagée en politique tombe amoureuse. Le cinéaste Robert Guédiguian n’en fait pas un drame. Bien au contraire.