Elle est la reine de l’événement sportif annuel le plus regardé à travers le monde: près de 150 millions de téléspectateurs attendent fiévreusement de savoir qui va l’étreindre.
En Europe, on ne compte plus les supporters qui rêvent de l’embrasser. Ils veulent se sentir être un Messi, poser leurs lèvres là où Buffon rêve de poser une fois les siennes, boire dans le même calice que Ronaldo.
Dans les Montagnes neuchâteloises
Même un fragment de secondes. Et bon nombre de ces inconditionnels de football en perdraient leurs crampons s’ils savaient que la coupe décernée au terme de la Ligue des Champions est gravée au Locle, à quelques kilomètres de chez eux!
Car oui, chaque année, le prestigieux trophée vient séjourner sur les hauteurs locloises, au sein de l’entreprise Faude & Huguenin, dans le but de se faire graver un nouveau nom: celui du champion de l’année.
Sur des millions d’écrans puis au Locle
Environ deux semaines après la finale qui voit s’affronter les meilleures équipes d’Europe, le haut médailleur reçoit un colis un peu spécial. Sa mission: compléter la liste qui orne la Coupe aux grandes oreilles depuis 1956 avec le nom du nouveau vainqueur et l’année de l’événement.
"Nous ne communiquons pas sur la présence de la coupe dans nos locaux. D’abord pour des raisons de sécurité, ensuite par respect pour notre client, l’UEFA", annonce d’emblée le directeur des ventes de Faude & Huguenin Michel Mäder.
L'homme évalue le phénomène à la hauteur de son importance: "La coupe est l’un des objets les plus prestigieux à défiler dans notre entreprise. Lorsque nous voyons les footballeurs la soulever à la télé, nous savons qu’elle va arriver chez nous! D’ailleurs, elle sent toujours le champagne lorsqu’elle arrive!", rigole-t-il.
La coupe dans les mains de Sergio Ramos en mai dernier à Madrid. Vous avez dit champagne? Photo: Keystone
S’habituer à l’exceptionnel
Michel Mäder raconte ce trophée avec respect mais aussi un certain détachement. N’allez pas imaginer qu’il gesticule et s’emballe comme un tifoso. Il admet d’ailleurs être peu féru de football. Surtout, comme bon nombre de ses collaborateurs, à force de voir débarquer la Reine chaque année, on s’habitue à lui servir le thé.
"Au début que nous avions le mandat de graver la coupe, tous nos collaborateurs voulaient la toucher, la voir. Maintenant, ça a un peu passé. (il réfléchit)… sauf pour notre comptable qui demande chaque année à être averti lorsqu’elle arrive", rigole-t-il.
Pour les employés, pas de précautions particulières à prendre avant de manier l’objet. On évitera toutefois de singer les footballeurs le trophée à la main et les quelques selfies qui sont pris pour épater la galerie doivent rester dans le cercle très strict des intimes. "Nous ne voulons pas que les images circulent sur les réseaux sociaux".
Des fans se prennent en photo avec la coupe lors d'une rencontre avec le joueur Carles Puyol, à Bogota. Photo: Keystone
Quelle sécurité?
Dix-sept ans que le bal des coupes se tient sur les hauts du Locle. Des coupes? Il en existe en effet une originale et plusieurs répliques pour des questions de visibilité et de sponsoring avant tout. Deux à trois semaines après la finale de la Champions League, l’entreprise locloise les reçoit au compte-gouttes.
Pour le transport, "un partenaire de l’UEFA se charge de nous les livrer. Les trophées sont dans des caisses capitonnées, fermées par des cadenas. Que ce soient l’originale ou les répliques. Ensuite de quoi nous les sortons pour nous mettre au travail. Nous ne savons jamais quel modèle nous allons recevoir précisément". C’est tout.
L'arrivée de la coupe au Pays de Galles, en vue de la finale.
"Un bout de chez nous"
Il arrive aussi que certaines coupes reviennent au Locle pour être réparées: Le nom des vainqueurs précédents que le temps efface; la victoire fêtée trop joyeusement et une anse qui s’arrache; une négligence passagère et le pied qui se cabosse. "Nous avons des spécialistes. Graveurs, polisseurs… nous voulons que la coupe passe dans les mêmes mains d’année en année. La polyvalence des métiers, ça n’est pas notre marque de fabrique. Chacun a son seul et unique savoir-faire".
Les trophées, une fois prêts, repartent au siège de l’UEFA à Nyon. Reste alors au sein de l’entreprise Faude & Huguenin une sacrée marque de fierté.
Car la magie de la Coupe de la Champions League a opéré, embarquant au passage les plus insensibles au football. Ils l’ont vue, parfois caressée. Ils l’ont bichonnée, elle a dégagé en retour un je-ne-sais-quoi. "On se dit que la coupe repart avec un bout de chez nous. On en est fier", conclut presque timidement Michel Mäder.
Annabelle Bourquin, a+ La Chaux-de-Fonds Le Locle