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La machine-outil réinventée

12 sept. 2016, 01:23
/ Màj. le 12 sept. 2016 à 08:00
La micro5 consomme 10 fois moins que les machines classiques pour des qualités classiques pour des qualités équivalentes.

La Micro5 est une fraiseuse cinq-axes destinée à l’usinage de pièces métalliques de grande précision, cinq fois plus petite et dix fois moins gourmande en électricité que les machines-outils existantes. Développée à la Haute Ecole ARC (HE-Arc), elle a fait un tabac dans les salons industriels du printemps, remportant plusieurs prix à Moutier et à Genève. Quelques mois plus tard, son destin industriel se précise.

L’histoire s’accélère pour la Micro5: la toute nouvelle Association de recherche communautaire des moyens de production microtechniques ARCM en a fait sa première mission.

L’association a pour but de permettre aux entreprises qui y adhéreront de s’allier pour financer des projets de développement, sur le modèle de la recherche communautaire qui a fait ses preuves dans l’horlogerie.

ARCM est chargée de transmettre les principes de conception de la Micro5 en «open source» (libre de droits), par l’intermédiaire de formations démarrant prochainement. Constructeurs de machines et utilisateurs sont invités à se familiariser avec l’usinage, façon micro5.

Briser un mythe

Cinq industriels seraient par ailleurs prêts à en démarrer la production, le premier cet automne déjà. Une quinzaine d’utilisateurs potentiels se sont aussi manifestés. C’est ce qu’a confirmé Claude Jeannerat, professeur HES responsable de la conception des moyens de production à la HE-Arc ingénierie.

Dans l’Arc jurassien, riche en industries horlogères et microtechniques, le rêve de petites machines-outils ne date pas d’hier. Mais pour réaliser une telle prouesse, «il a fallu reprendre la conception des machines de zéro». Et briser un mythe: «l’idée que plus on cherchait à usiner précisément, plus il fallait une grosse machine». On a tenu pour acquis que seule une masse importante permettait de limiter les vibrations. «Le problème, c’est que cette manière de faire n’est pas efficiente: au mieux, 10 ou 20% de l’énergie sert vraiment à usiner la pièce. Tout le reste, c’est de l’énergie «secondaire» avalée surtout dans le chauffage des machines et la stabilisation de la température des locaux, indispensable à la précision.»

Petites pièces, petites machines

Un problème d’autant plus lancinant que la région fabrique quasi exclusivement des petites pièces. L’équipe de la HE-Arc a donc rouvert ses manuels de physique, et la littérature de la machine-outil, pour déterminer un meilleur ratio pièce/machine. A l’issue de cette phase de recherche, c’est décidé: «La machine ne fera pas plus de cinq fois le volume des pièces qu’elle devra usiner», explique Claude Jeannerat.

Pour des pièces inscrites dans un cube de 5 cm de côté, la machine ne devra donc pas dépasser d’un cube de 25 cm de côté.

Autre principe: pour répondre aux impératifs environnementaux du programme Ecoswissmade (voir ci-dessous), la machine doit être construite en matériaux facilement disponibles et recyclables.

C’est là que les nouvelles technologies interviennent: pour les pièces réalisées en moulage traditionnel, les moules sont produits en impression 3D. Ce qui a permis de mouler des pièces à la complexité et à la résistance inatteignable autrement.

Comme tout est plus petit, les parties mobiles représentent 10 kg à déplacer pour les moteurs, contre plusieurs centaines dans une cinq-axes classique.

Tous les éléments de la machine-outil ont été repensés pour viser de faibles masses, un faible frottement, et une faible consommation. «On s’attendait à des surprises, pourtant tout s’est bien passé», explique l’ingénieur. A l’arrivée, la machine qui aurait pu n’être qu’un brouillon est un prototype proche du produit fini.

Max Monti, responsable des partenariats et de la valorisation à la HE-Arc, explique que l’ambition des ingénieurs, au-delà de la micro5, c’est de fournir un centre d’usinage complet sur le même principe. Tournage, décolletage, ou d’autres moyens de production pourront être repensés.

Et si l’usine disparaissait?

A terme, c’est la forme de l’usine qui pourrait changer: «Si les machines sont transportables, connectées, et prennent moins de place, il n’est plus nécessaire d’installer de grands ateliers en périphérie des villes. Une production décentralisée est même imaginable», explique Max Monti. L’image du paysan horloger qui, à la naissance de l’horlogerie, livrait à la fin de l’hiver les pièces réalisées chez lui, n’est plus très loin. Mais le retour a une production moins centralisée répond à d’autres enjeux, comme la logistique, l’énergie, la mobilité ou l’aménagement urbain.

L’une des conclusions que tire Claude Jeannerat, c’est que l’industrie a le pouvoir de se réinventer profondément et pourrait modifier son empreinte écologique. «Ceux qui pensent que c’est trop ambitieux de le faire d’ici 2050 se trompent!»

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