Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Tchernobyl est devenu le fleuron touristique de l’Ukraine post-soviétique

Il y a 30 ans le monde vivait le premier accident nucléaire majeur de son histoire. Le 26 avril 1986, le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine (alors membre de l'URSS), explosait et provoquait une importante fuite radioactive. Les conséquences écologiques et humaines sont encore perceptibles aujourd’hui. Pour marquer cet événement, plongée en 5 volets dans l’après-Tchernobyl. Ce lundi place à l’essor d’une improbable industrie touristique autour des différents sites ravagés par la catastrophe. De la centrale désaffectée aux villages abandonnés, Tchernobyl est devenue un aimant à touristes en mal de sensations fortes.

23 avr. 2016, 17:44
/ Màj. le 25 avr. 2016 à 11:30
Quelque 10 000 touristes affluent chaque année à Tchernobyl.

Pour leurs vacances, certains rêvent de plages ensoleillées, d'autres d'arpenter les rues de villes au riche patrimoine. Et puis, il y a ceux qui cherchent une destination sortant de l'ordinaire, à l'instar des visiteurs toujours plus nombreux de la zone d'exclusion de Tchernobyl. Depuis le 1er janvier 2011, la centrale et ses abords ont été officiellement ouverts au tourisme par les autorités ukrainiennes. Celles-ci ont rapidement compris l'intérêt économique qu'elle pouvaient retirer de ces terres qui semblaient condamnées à jamais. Ironie du sort, Tchernobyl est donc passé en 30 ans de fleuron de l'industrie électrique à celui de fleuron de l'industrie touristique du pays.

Pompéi moderne

Les tours operators n'ont pas attendu que le gouvernement déclare la zone ouverte au tourisme, pour offrir à leurs clients une immersion dans ce monde post-apocalyptique, ainsi que le souligne The Guardian. Mais, depuis que l'activité a été légalisée, le nombre de touristes a littéralement explosé. Un blogueur, dont la chaîne d'information France 24 relaie le témoignage, explique qu'il faut compter 110 euros pour vivre cette expérience.

D'une durée d'une journée, l'expédition propose notamment d'observer le réacteur 4 à l'origine de la catastrophe ou la "forêt rouge", le nom donné à la végétation devenue brune car ayant absorbé des taux très élevés de radioactivité. Et puis, il y a l'incontournable ville fantôme de Pripyat avec son théâtre, son gymnase, ses hôtels, son parc d'attraction et tous ses bâtiments tombant en ruines et disparaissant peu à peu sous la végétation. Pour ceux qui voudraient s'imprégner plus longtemps de l'endroit, il est également possible de rester plusieurs jours dans la zone d'exclusion. D'anciens hôtels ont été spécialement réaménagés pour l'occasion, comme le rapporte le Daily Mail.

 

La radio France Info évalue à 10 000 le nombre de touristes qui se rendent annuellement à Tchernobyl et dans ses alentours. Ceux-ci sont majoritairement anglais, américains et scandinaves. Nataliya Grekhowa, l'une des nombreuses guides à travailler sur place, raconte à France Info que "les étrangers ont souvent peur d'aller dans la zone interdite. Même le nom, zone interdite, ça n'encourage pas vraiment! Les Ukrainiens, beaucoup ne préfèrent pas y aller, soit pour des raisons de principe parce que quand même c'était une catastrophe, ce n'est pas un parc d'attraction. Et d'autres ont peur d'être contaminés."
 
Cité par le magazine Vice, Yuri Kovalchyk, un porte-parole de l'entreprise UkrainianWeb proposant des tours guidés sur les lieux de la catastrophe, explique, lui, que les visiteurs affluent surtout en été, alors que les amateurs de belles photos préfèrent venir en automne, lorsque les feuilles ne gênent pas le panorama. Tous sont fascinés par ces lieux abandonnés, donnant à Tchernobyl des allures de Pompéi moderne.
 

 

Une réalité loin des clichés

Pour autant, il serait faux de croire que le site est dénué de vie, ainsi que le souligne le guide Youri Tatartchouk à la radio française. "A force de lire des articles dans les journaux, les gens pensent qu'ils verront une sorte de désert entouré par des arbres rouges, brûlés, et de la fumée comme dans les films d'horreur. Mais ce qu'on voit aujourd'hui, c'est beaucoup de verdure. Il y a des forêts. La nature est revenue et a pris la place des hommes. Tchernobyl est devenue une sorte de réserve naturelle." La zone s'est muée en parc animalier avec ses élans, loups et autres chevaux sauvages.

Mais, les animaux ne sont pas les seuls être vivants que les touristes auront peut-être la chance de croiser au cours de leur périple. Quelque 150 personnes résident toujours aux abords de la centrale. Âgés en moyenne de 75 ans, ceux que l'on nomme les samosely n'ont pu se résoudre à quitter les lieux. Contre l'avis des autorités et en dépit des radiations, après une brève période d'exil forcé, ils sont revenus s'installer dans leur ancien chez eux.

La plupart des samosely vit chichement de quelques maigres récoltes, de leur potager, des provisions que leur apportent les employés travaillant à démanteler la centrale et les visiteurs, comme le rapporte TV5 Monde. Un documentaire leur a même été consacré.

 

Règles de sécurité

S'il n'est pas vraiment conseillé de vivre dans la zone comme ces seniors téméraires, l'expédition en tant que tel ne comporte pas de risques majeurs, à en croire le journaliste du National Geographic, qui a testé l'un de ces fameux tours compteur Geiger en mains. "Pendant notre retour en voiture vers Kiev, notre guide fait le total des radiations auxquelles nous avons été exposés: 10 μSv pour toute la durée de notre visite de ce week­end. J’en recevrai probablement davantage au cours de mon voyage de retour en avion", écrit-il.

Interrogé par Vice, le Dr. Keith Baverstock, ancien directeur de programme sur la protection contre les radiations à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que les dangers sont minimes. "Si vous ne mangez pas les champignons, ni les baies, n'attraper pas de sanglier pour le manger, et rester dans les secteurs autorisés aux touristes, il n'y a pas de problème." Avant d'entrer dans la zone, les autorités insistent de toute manière sur le fait de ne pas manger, boire ou fumer en plein air;  de ne pas marcher hors des sentiers, de se couvrir, et de ne pas laisser son corps ou ses affaires toucher le sol.

Enfin, pour les moins courageux, sachez qu'il sera bientôt possible de visiter le site sans se déplacer de son canapé. En effet, un développeur polonais de jeux vidéo est en train de plancher sur une application permettant une immersion totale dans les divers lieux de la zone contaminée, comme le rapporte International Business Time.

 

Retrouvez le 5e et dernier volet de notre série ce mardi 26 avril. Il sera consacré au sarcophage qui empêchera bientôt toute fuite radioactive du réacteur endommagé, de quoi permettre à Tchernobyl de tourner la page de son funeste passé.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias