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«Sans papiers, on vit comme en prison»

Il y aurait entre 70 000 et 180 000 sans-papiers en Suisse. Annalilia Sanchez*, Colombienne qui a vécu quatorze ans dans l'illégalité, a pu exceptionnellement obtenir une autorisation de séjour pour «cas de rigueur».

22 déc. 2010, 16:10

«Le permis de séjour est mon plus beau cadeau, je n'arrive pas encore à y croire», lance Annalilia Sanchez*, 41 ans, avec les yeux qui brillent. La peur d'être découverte et expulsée qui l'a accompagnée pendant toutes ces années, et avec laquelle elle a dû apprendre à vivre, lui colle toujours à la peau. «Le fait de croiser un policier ou que quelqu'un presse la sonnette me fait encore à chaque fois un choc.»

«Sans papiers, on vit comme en prison», ajoute cette femme gracieuse, avec de petites boucles d'oreille en or et ses boucles noires attachées en queue-de-cheval. Elle est vêtue d'un jeans et d'un sweat-shirt gris. Et raconte qu'on ne peut ni louer un appartement, ni utiliser de téléphone portable et qu'il faut aller chez le médecin incognito. Une de ses amies s'est cassé la jambe mais n'a jamais osé aller à l'hôpital. Annalilia Sanchez, elle, a pu s'affilier à une caisse-maladie grâce à l'association de défense des sans-papiers, précise-t-elle en très bon allemand.

Elle n'y connaît pas grand-chose à la politique mais elle sait bien qu'il est difficile de légaliser tous les migrants. Mais, à son avis, il faudrait examiner chaque cas particulier. «Nous ne sommes pas que sans papiers, nous sommes des êtres humains avec un cœur et une famille.» Elle ne comprend pas non plus pourquoi les étrangers n'ont pas le droit de travailler comme personnel de maison ou comme jardinier, puisqu'il n'y a de toute façon pas beaucoup de Suisses qui veulent le faire. Car c'est pour travailler qu'Annalilia Sanchez est venue en Suisse, il y a quatorze ans. Quand sa cousine, qui avait une place de femme de ménage, est tombée enceinte, elle a sauté sur l'occasion. Elle s'est ainsi retrouvée dans une mansarde sans cuisine ni douche, sans famille et sans pouvoir parler sa langue.

Pour parler avec ceux restés au pays, elle ne pouvait, à ses débuts, s'acheter qu'une taxcard à 10 francs. De quoi échanger trois ou quatre mots avec sa mère et sa fille, avant le bip. «Au début, j'ai beaucoup pleuré, mais cela m'a aussi rendue plus forte.»

Annalilia Sanchez vient d'un milieu pauvre. Sa mère travaillait comme lessiveuse - pas avec une machine mais avec une pierre et du savon - lorsqu'elle est tombée malade. Elle a donc dû abandonner l'école pour aller travailler. Son père s'est tué à 49 ans dans un accident. La mère et ses six enfants se sont retrouvés sans argent ni perspectives. S'étant élevée toute seule et sans formation, Annalilia Sanchez s'est juré que sa fille aurait la vie plus facile. Mais elle a payé le prix fort puisque sa fille, restée chez sa mère en Colombie, n'a pu venir que trois fois en Suisse pendant toutes ces années. «Je pensais sans cesse à elle et cela m'a donné de la force.»

Grâce à son travail comme femme de ménage dans la famille d'un médecin, elle a pu aider financièrement sa mère et payer l'éducation de sa fille. «Si j'étais restée, je n'aurais pas pu les aider.» /CBU

*Nom connu de la rédaction de swissinfo.ch

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